22/12/2016
Babel
Les trois langues de travail de l’Union européenne étant l’allemand, le français et l’anglais, les participants à des projets européens de recherche pouvaient théoriquement choisir l’une de ces trois langues pour leurs échanges et leurs travaux… En pratique, pendant les quelques années au cours desquelles j’ai œuvré dans des projets des programmes BRITE ou ESPRIT, jamais au grand jamais je n’ai vu la moindre initiative tendant à mettre sur la table la question de la langue de travail. Commencés en anglais, les débats se poursuivaient et s’achevaient en anglais. Ou plutôt en globish quand le locuteur n’était pas un Danois ou un Scandinave, à tel point que certains anglophones (dont un charmant Écossais francophile et cyclotouriste des bords de Loire que j’avais interrogé à ce sujet) ne se considéraient pas comme tellement privilégiés dans ces cénacles – je suppose que c’était à cause du charabia de nombre d’entre nous !
En tout état de cause, les chercheurs européens des années 80 avaient oublié Babel et étaient au-dessus de toute revendication linguistique et nationaliste. Dans ces années-là, on partageait majoritairement le défi européen, un défi fou quand on y songe, faire se hisser au niveau des États-Uniens (et bientôt des Chinois) une quinzaine de pays parlant autant de langues différentes… Il était plus facile de leur faire partager une monnaie commune qu’une langue commune !
A contrario Babel ne fait pas peur à l’Assemblée de Corse où des discours sont prononcés en langue corse et même envisagés quand y vient le Premier Ministre de la République française (à qui un conseiller avait suggéré, le cas échéant, de répondre en catalan). Chassez l’entropie, elle revient au galop !
Il y a des précédents historiques ! Guy Konopnicki raconte dans le Marianne du 2 décembre 2016 que les députés des États composant l’Empire austro-hongrois avaient manifesté contre l’obligation de mener les débats en allemand en rejouant la Tour de Babel : « (…) Les représentants de toutes les nationalités décident de parler chacun dans sa langue. Il y a là le Tchèque Thomas Masaryk, le député italien du Trentin Alcide de Gaspari, plus de cent Hongrois, quatre-vingt-cinq Polonais, on entend toutes les langues, le roumain, le croate et même le yiddish, parlé par un député du Bund de Pologne ».
07:30 Publié dans Actualité et langue française, Histoire et langue française | Lien permanent | Commentaires (0)
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