29/09/2015
Halte aux attaques sournoises contre le français
Mon billet est motivé par la parution, dans le "Valeurs actuelles" du 27 août 2015, d'un dossier intitulé "Halte au massacre du français".
Vous constaterez que je n'ai pas repris son titre car je le considère comme inutilement "guerrier" ; d'ailleurs, il ne s'agit pas, selon moi, d'une attaque généralisée, consciente, meurtrière, contre notre langue ; pas de complot dans cette affaire ! Mais, comme je l'ai dit de nombreuses fois déjà, de la conjonction du snobisme, de la paresse, de l'autodénigrement, de la soumission à un modèle autre, qui conduit à abandonner le français à son sort et à le laisser s'appauvrir partout (à l'école, dans les médias et… dans nos conversations et dans nos textos).
Au demeurant, par rapport à ce qui a déjà été écrit dans ce blogue et que mes lecteurs connaissent bien, peu de choses nouvelles dans le dossier de "Valeurs actuelles".
Il confirme que, en plus du niveau calamiteux des élèves en grammaire et orthographe, il faut maintenant déplorer les faiblesses de nombre de leurs enseignants dans les mêmes disciplines (Source : correction des copies des candidats à la session 2014 du concours des professeurs des écoles, commentaires des jurys de Lille et de Grenoble). Ceci explique cela : si l'instituteur fait des fautes de français, y compris à l'écrit en corrigeant les copies, comment espérer que ses élèves soient irréprochables ?
Concernant les élèves, une enquête de l'Éducation nationale sur l'évolution des acquis en début de CE2 entre 1999 et 2013 conclut qu'il y a "plus de mauvais élèves et moins de bons"… Et la même dictée (d'une dizaine de lignes) proposée à vingt ans de distance occasionne plus de quinze fautes pour 46 % des élèves en 2007 (au lieu de 26 % en 1987) ! Une autre étude dénonce la prolifération des fautes d'accord et de conjugaison, qui prouve que les élèves ne maîtrisent pas la logique de la langue française, même quand c'est leur langue maternelle. Mis en cause unanimement : les "pédagogistes" qui, en particulier au Ministère, s'opposent à toute réforme visant à rétablir un enseignement efficace. La formation des enseignants est en question.
Gag supplémentaire, des extraits d'un discours de la Ministre qui comportent des fautes (accord de l'adjectif, accord de "tout", dont j'ai souvent parlé dans ce blogue. J'en profite pour inviter la délicieuse Najat à un cours de rattrapage).
Un encart s'insurge de la boulimie et de la complaisance des dictionnaires qui, chaque année, engrangent et légitiment de nouveaux mots et expressions (selfies, hashtag, lol et bien d'autres…). C'est bien de s'insurger mais c'est oublier que les dictionnaires sont des entreprises commerciales et non des services publics et qu'ils visent à être des éponges et non pas à normaliser ni à rationaliser ni à préserver la langue.
L'article dénonce, c'est maintenant bien connu, les instructions qui incitent les correcteurs du bac à mettre au moins 8/20 à tous les candidats, de façon à maximiser le pourcentage de reçus. Si les correcteurs notaient "au barème", le taux de réussite s'effondrerait à 25 ou 30 %, au lieu des 87,8 % démagogiques de cette année.
L'article de l'excellente Natacha Polony est excellent, comme d'habitude ; pas besoin d'y revenir, mes lecteurs ont été abreuvés de ses idées dans ce blogue, idées que je partage. "Notre langue est en train de se vider de sa substance…".
Autre éclairage, déjà utilisé dans ce blogue : les entreprises, elles, ne s'accommodent pas de ce niveau calamiteux car la forme d'expression de ses salariés peut nuire à son image. C'est donc maintenant un frein à l'embauche, et la remise à niveau à travers la formation professionnelle se développe.
Dernier article, de Philippe Barthelet, que mes lecteurs connaissent : "Le français tel qu'on le déparle". "Un mal plus général et plus profond, plus inquiétant aussi : l'incapacité où nous sommes désormais de parler français, d'employer une langue simple, claire et précise, où un chat s'appelle un chat et où, quand on veut dire qu'il pleut, on dit tout bonnement qu'il pleut". Et de dénoncer aussi cette mode, liée au franglais, d'employer des mots dans un faux sens : "académique" au lieu de "universitaire", "cursus académique" au lieu de "liste des diplômes", "campus" au lieu de "université", "versus" au lieu de "contre", "intriguant" au lieu de "curieux"… Et il conclut sur "la mode des substituts adéquats plus sortables, qui n'offensent plus l'unanimisme des grands principes et des bons sentiments, qui est notre nouvelle religion d'État".
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