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21/03/2015

Tu fais latin-grec ?

Dans la nième réforme de l'enseignement, destinée cette fois à la classe de cinquième (ou à montrer que la ministre agit ?), on fait débuter l'étude d'une deuxième langue vivante en cinquième, à des élèves qui n'arrivent déjà pas à acquérir les bases de la première (assimilée officiellement dorénavant à l'anglais...), voire à maîtriser leur propre langue maternelle (je signale aux distraits qu'il s'agit du français).

Et de quelles langues parle-t-on à propos de cette réforme dans les médias ? Dans l'ordre : du chinois, de l'espagnol et de l'allemand ! Ainsi la langue de notre voisin mitoyen, de notre premier partenaire commercial, du cofondateur du Marché commun, du pays avec lequel nous partageons une armée... est-elle reléguée au rang de n°3 pour la seconde langue vivante de nos collégiens.

Pendant ce temps, les entreprises s'arrachent les trentenaires français qui parlent couramment allemand, et qui ont été formés, eux, à une époque où la langue de Goethe n'était pas encore au fond du trou dans notre pays... Qu'est-ce que ça va être !

Et c'est le moment que choisit le Figaro (17 mars 2015) pour publier deux chroniques sur le "coup de grâce aux langues anciennes".

Augustin D'Humières, professeur de lettres classiques, d'abord.

De façon amusante, il commence par le même argument que moi à propos de la réforme de Madame Belkacem (cf. supra). Puis il déclare : "Relégués sur les créneaux horaires les moins porteurs, mis en concurrence avec le cinéma, le chinois (déjà !), la musique, les classes européennes, le latin et le grec avaient survécu". Et il rappelle que lui et ses homologues arrivaient à convaincre quelques élèves (en difficulté) en leur disant : "L'un des seuls endroits où vous pouvez encore essayer de pallier ces lacunes de fond, ce sont les cours de grec et de latin !". Comme le disait Jacqueline de Romilly, ces langues anciennes, c'est avant tout "une extrême attention aux mots". Comment ce blogue ne s'intéresserait-il pas au sujet ?

Et le professeur de démontrer, avec un exemple de mot latin (cadere), qu'il peut être suivi à la trace en italien, en espagnol et en français et que, à travers la construction sur une "racine" commune, il éclaire les mots suivants : chance, décadence, cadavre, caduc, méchant, cascade, incident...

Merveille en effet ; je me souviens de mon propre émerveillement quand j'ai découvert, tout seul, ces vertus explicatives de l'étymologie, grâce aux soirées (parfois pénibles) passées sur mon Gaffiot. Un peu plus tard, les "mathématiques modernes" de M. Lichnerowitz m'ont pareillement enchanté : cartésianisme, complétude, systématisme, pureté, cohérence, généralité... nul doute que nous avons été marqués.

"Les premiers mois d'un cours de grec et de latin constituent forcément une remise à niveau générale".

Le professeur considère par ailleurs que c'est aider les plus faibles, les moins favorisés, de laisser toute leur place aux langues anciennes, et que ce n'est pas une question ni de droite ni de gauche.

Mais, semble-t-il, Madame Belkacem n'en est pas consciente...

Elle a pas dû faire latin-grec...

 

 

 

 

 

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