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04/01/2015

Maître la charrue avant les bœufs

Le cas de magistère et de master illustre à la perfection la difficulté de la lutte contre le franglais – et plus généralement contre la normalisation anglosaxonne sous couvert d’harmonisation européenne – et l’ambigüité du rôle de l’Académie dans cette lutte.

L’Académie française, sur le berceau de laquelle s’est penchée la fée Richelieu au siècle du français royal qui irradiait en Europe, se donne un rôle de phare quand il est encore temps – ce qui est très rare –, un rôle de censeur quand on met un concurrent sur sa route – ce que Michel Rocard avait fait en 1990 pour sa réforme de l’orthographe –, un rôle de Cassandre quand l’irréparable s’est produit – ce qui est fréquent –, un rôle de grand-mère bienveillante quand il n’y a pas ou plus de débat…

 

En 1999, phare des nations, l’Académie propose donc d’appeler « magistère », un diplôme universitaire qui complète « des études du premier ou du second cycle » (ce qui est bien vague, soit dit en passant), sanctionnant au moins trois années de formation professionnelle avec enseignement et stages (ce qui est plutôt d’avant-garde à l’époque). Et l’idée était de donner un équivalent à l’anglais master (master of arts, master of science). Sans se rendre compte que « magistère » a déjà un sens bien différent ?

Au même moment (les différents intervenants dans ce domaine n’auraient-ils pas pu se parler et se mettre d’accord ?), sous la houlette de M. Allègre je crois, intervient la démarche d’harmonisation des diplômes et la création en France du niveau « bac +5 », qui n’est ni la licence (bac+3) ni la maîtrise (bac +4), dont les diplômés devraient être appelés « maîtres » en toute logique, et qui correspond au niveau des diplômes d’ingénieur, tiens, tiens… (deux années de classes prépa. et trois années d’école). Et on (qui on ?) aurait créé à ce moment-là le mot « mastaire » pour désigner ce nouveau grade. Mais que nous raconte-là l’Académie ? Primo, je l’ai toujours vu écrit « mastère », secundo, c’est un titre que la Conférence des Grandes Écoles a cru malin d’inventer pour désigner un parchemin payant que certaines de ses affiliées voulaient pouvoir délivrer en tant que formation complémentaire, post-diplôme et hors Université…

 

Bref, peu importe… ce qui devait arriver arriva : c’est le mot anglais master qui s’imposa sans combat, et personne ne vit beaucoup ni de « magistères » ni de « mastères ». Et que croyez-vous que dit l’Académie ? Ceci : « Aujourd’hui, force est de constater qu’en France, ainsi qu’en Belgique, en Tunisie ou en Algérie, l’usage a imposé master. Cependant, les dictionnaires continuent de proposer concurremment les trois termes, avec parfois des nuances de sens… L’Académie française… recommande d’utiliser magistère chaque fois que cela est possible (sic !) et se réserve le droit (sic !) de réexaminer le terme master et la graphie qu’il convient de lui donner (sic !) ».

C’est stupéfiant, l’Académie dans son rôle le plus minable, velléitaire, de mauvaise foi, impuissante…, non ?

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