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08/10/2014

Jean d'O., on t'aime

Il est charmant, délicieusement bien élevé, faussement modeste, cultivé et il a le regard bleu clair, malicieux, pétillant… À noter que son deuxième prénom est Bruno.

Ça fait beaucoup de qualités pour un homme.

Malheureusement pour lui, normalien, vaguement de droite, il n’est guère plus connu qu’Alain Juppé, Laurent Fabius, Bernard-Henry Lévy, voire que Nicolas Demorand… autres normaliens… et son drame, c’est qu’il n’arrive pas à la cheville de son idole, de notre idole à tous, François-René de Chateaubriand.

Et c’est foutu, c’est trop tard ; aucun chef d’œuvre à l’horizon, et l’horizon n’est plus très loin.

J’avais lu « Au plaisir de Dieu »… c’est l’histoire romancée de sa famille, et surtout de l’abandon de ses illusions et de son château en province. Il paraît que c’est un roman à clés, je ne les ai pas trouvées, ni cherchées d’ailleurs. C’est agréable à lire, alerte, bien construit mais on ne s’enthousiasme pas : ni descriptions à couper le souffle ni trouvailles de style ni caractères fouillés ni réflexions philosophiques à méditer. Non, une aimable saga en un volume.

J’ai lu cet été sa dernière production, j’ai envie de dire « alimentaire », « Comme un chant d’espérance » (Éditions Héloïse d’Ormesson, tant qu’à faire, faisons travailler la famille, d’autant qu’elle n’a plus de château, 2014). Ça fait 120 pages, pas plus, avec un saut à la page à chaque petit chapitre, et ça prétend raconter l’histoire de l’univers et expliquer comment on peut viser le tout en partant de rien (à savoir le big bang et avant)… Obligatoirement on est déçu. Jean d’Ormesson évoque en deux lignes la physique mathématique et la cosmologie – on n’en saura pas plus – et, de chapitre en chapitre, tourne autour des mots « rien », « tout », « Dieu », le "néant", les "origines", la "fin des temps". On n’apprend pas grand-chose et – c’est bien dommage – on ne ferme pas le livre avec l’espérance, qui en était pourtant la promesse. En tous cas, pas moi.

Je suis sévère sans doute ; il y a quelques bons passages, dont sa liste de livres, de sites et d’événements préférés. Ils prouvent, selon lui, l’existence de Dieu…

Et surtout, au détour du chapitre XLI, Jean d’O. nous balance un texte affiché, à la fin du XVIIème siècle, dans l’église de Baltimore et qu’il tient, miracle des coïncidences et de la synchronicité, de la librairie Le bleuet, à Banon (Alpes de Haute Provence)… vous vous rappelez ? « Quand le courrier de Banon passe à Vachères, c’est toujours dans les midi. On a beau partir plus tard de Manosque les jours où les pratiques font passer l’heure, quand on arrive à Vachères, c’est toujours midi » (Jean Giono, la première phrase de Regain, 1930).

Voici donc ce texte cité par Jean d'Ormesson :

« Allez tranquillement parmi le vacarme et la hâte

et souvenez-vous de la paix qui peut exister dans le silence.

Sans aliénation, vivez autant que possible

En bons termes avec toutes personnes.

Dites doucement mais clairement votre vérité.

Écoutez les autres, mêmes les simples d’esprit et les ignorants :

Ils ont eux aussi leur histoire.

Évitez les individus bruyants et agressifs :

ils sont une vexation pour l’esprit.

Ne vous comparez à personne :

il y a toujours plus grands et plus petits que vous.

Jouissez de vos projets aussi bien que de vos accomplissements.

Ne soyez pas aveugle en ce qui concerne la vertu qui existe.

Soyez vous-même.

Surtout n’affectez pas l’amitié.

Non plus ne soyez cynique en amour car il est,

En face de tout désenchantement, aussi éternel que l’herbe.

Prenez avec bonté le conseil des années

En renonçant avec grâce à votre jeunesse.

Fortifiez-vous une puissance d’esprit

pour vous protéger en cas de malheur soudain.

Mais ne vous chagrinez pas avec vos chimères.

De nombreuses peurs naissent de la fatigue et de la solitude.

Au-delà d’une discipline saine, soyez doux avec vous-même.

Vous êtes un enfant de l’univers. Pas moins que les arbres et les étoiles.

Vous avez le droit d’être ici.

Et, qu’il vous soit clair ou non,

l’univers se déroule sans doute comme il le devait.

Quels que soient vos travaux et vos rêves, gardez,

dans le désarroi bruyant de la vie, la paix de votre cœur.

Avec toutes ses perfidies et ses rêves brisés, le monde est pourtant beau. »

 

Allez, Jean d’O, on t’aime !

Commentaires

AL m'avait proposé de découvrir votre travail, recevez mes remerciements pour ces pages quasi dissidentes en ces temps de déclins franco phonique et scriptural.
Un axe de progrès (à moins que ce soit un trait d'esprit) m'apparait au milieu de votre billet d'humeur : "voire même" est un pléonasme voire un archaïsme du même tonneau que l'inénarrable "au jour d'aujourd'hui" tellement prisé par les futurs chômeurs de la presse télévisée. Cela ne saurait amoindrir l'intérêt du reste de votre texte bien évidemment.

Écrit par : EM | 09/10/2014

Vous avez tout à fait raison.
"voire" signifie : et même ; donc "voire même" n'a aucune raison d'être !
Je corrige naturellement de ce pas le billet fautif.
Merci pour votre vigilance.

Écrit par : l'animateur du blogue | 09/10/2014

Je veux t'adresser toute ma gratitude pour la reprise de ce "texte" lui-même repris par J. d'O., auteur que je trouve par ailleurs fort peu inspirant, sauf ces mots trouvés à Baltimore.
J'ai été touchée, au cœur, en son cœur.
Merci mon ami, tu fortifies nos esprits...

Écrit par : AL | 11/10/2014

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