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10/07/2014

Jean, Claude, la mondialisation et l'entropie

Je lisais l'autre matin la copie d'une lettre de Jean-Claude L., député de son état et grand connaisseur du monde de l'électricité. Ce monsieur écrivait aux Maires de son département, et donc à lui-même entre autres, pour leur rendre compte des avancées obtenues grâce à son action. Sur son papier à entête, j'ai remarqué qu'il déclinait son identité de la façon suivante : Jean Claude L., suivant en cela, consciemment ou non, l'habitude américaine qui consiste à accoler deux prénoms. On se rappelle du fameux "George dobel iou Bouche"...

On sait qu'aux États-Unis, la nécessité a fait loi : il fallait se prémunir des trop nombreuses homonymies. Il y aurait eu trop de George Bush. Il y a eu moins de George W. Bush (certains ont dit : "heureusement"). Et quand en plus, le deuxième prénom est le patronyme d'un homme célèbre, Père de la Nation (Washington), c'est encore mieux (on se demande qui honore qui...).

En France, rien de tel ! Il y a très peu de Bruno G. (certains disent "malheureusement") mais même s'il y en avait beaucoup, on ne l'appellerait pas Bruno G. G. Seul son état civil utilise, le cas échéant, son deuxième prénom. Son prénom, c'est Bruno.

Pendant très longtemps, certains ont eu des prénoms à rallonge : Jean-Claude, Marie-Pierre... mais c'était très codifié dans la mesure où seuls quelques premiers prénoms pouvaient se voir accoler un deuxième prénom : Jean, Marie... L'histoire se rappelle aussi de Marc-Antoine et de Marc-Aurèle. Les deux prénoms, réunis par un tiret (et pas semi-cadratin...) formaient un seul prénom.

Dans les années soixante sont apparus quelques nouveaux prénoms à rallonge, toujours avec le tiret. Je me rappelle très bien du ministre François-Xavier Ortoli... d'ailleurs, bizarrerie, c'est le seul prénom composé (avec tiret) à figurer dans le calendrier 2010, avec Jean-Eudes, et deux fois, puisque l'on fêtait François-Xavier le 3 décembre et Françoise-Xavière le 22. Comme quoi porter un prénom composé prédispose à la sainteté... Et sans oublier nos Prix Nobel Pierre-Gilles et Jean-Marie Gustave...

Mais aujourd'hui, foin de ces conventions ! foin du magnifique Fêtnat des enfants nés un 14 juillet !

Les parents se délectent des combinaisons les plus osées : Pierre-Emmanuel, Bernard-Henry, Max-Pol, Pierre-Jean, etc.

Pourquoi pas ? Soit dit en passant, sachant qu'il y a N prénoms possibles en n°1 et M prénoms possibles en n°2, combien y a-t-il de prénoms composés à l'arrivée ? Que se passe-t-il si N=M ? Et si Pierre-Jean et Jean-Pierre sont deux prénoms différents ?

Cela ne serait rien si, là comme ailleurs, le snobisme, le modernisme, le mondialisme, le mimétisme, l'indifférence, l'ignorance, le laisser-aller... ne conduisaient à transformer la règle pour "faire américain", c'est-à-dire "moderne", en abandonnant le tiret. D'où le Jean Claude de notre député électrophile.

C'est quoi la prochaine étape ? des Bernard Pompidou TRUC, des Yves Noah MACHIN... ?

PS. je m'aperçois en relisant (mais oui, je relis !) que j'ai oublié de vous parler de l'entropie. Vous aviez compris, j'en suis sûr, que c'est elle qui est à l'œuvre (et non pas à l'oeuvre) : on met de l'ordre en mettant le tiret ; on détruit l'ordre en l'omettant... le monde va vers son entropie maximale, c'est-à-dire vers le désordre maximal (ou infini) si... l'on n'y met pas bon ordre. Et ça, ça demande de se fatiguer un peu.

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