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05/02/2018

"Conversations entre adultes" (Yanis Varoufakis) : critique I

Comment commencer la critique de ce pavé de 500 pages écrit par un économiste de renom, éphémère ministre des Finances de la Grèce, dans le gouvernement d’Alexis Tsipras ? 

Comment aborder toutes les facettes de ce livre : économique, politique, psychologique, personnelle, sans en oublier ni trahir son esprit ni déflorer son contenu ? 

Comment laisser exploser son enthousiasme, son admiration, son émotion, sans banaliser les qualificatifs à force de superlatifs : hallucinant, fascinant, passionnant, émouvant, instructif, éclairant, au suspense parfois quasiment insoutenable alors que l’histoire en est connue ? 

Oui, le livre de Yanis Varoufakis, paru en octobre 2017 et qui raconte son épreuve pendant quelques mois de 2015, seul face à la Troïka, entre le marteau des créanciers sans états d’âme ni empathie, et l’enclume des jusqu’au-boutistes de Syriza, est tout cela à la fois : un témoignage extraordinaire sur une expérience unique, qui se termine pour son acteur principal par des accusations de haute trahison et des procès en vue ! 

J’en ai lu des livres depuis que j’arrêtai ce blogue à la Noël 2017 ; peu de littérature mais beaucoup d’essais, signés Généreux, Polony, Klein, Brighelli, tous excellents et propres à susciter réflexion et débat. J’ai même lu un roman – quasiment une étude psychologique – de François Mauriac, laborieux celui-là… 

Mais aucun ne vous prend les tripes comme celui de Varoufakis, à la progression savamment construite, qui distille tout au long une sorte d’angoisse – c’est David contre Goliath revu et corrigé par le Garcia-Marquez de « Chronique d’une mort annoncée », bien écrit, bien traduit (il reste quelques coquilles par ci, par là, pas plus). 

Varoufakis 1.jpg

Avant d’aller plus loin, résumons l’intrigue (qui n’en est pas une !) : Yanis Varoufakis est un économiste universitaire grec connu dans les années 2010, qui a alterné des postes dans des universités anglo-saxonnes (Australie, Grande-Bretagne) et des retours au pays et qui est chercheur à l’université d’Austin au Texas, quand le parti de gauche Syriza voit sa popularité et ses chances d’accéder au pouvoir en Grèce augmenter irrésistiblement. Le pays est dévasté par l’impossibilité de rembourser sa dette colossale et les plans de soutien concoctés par la tristement célèbre troïka, bizarre attelage sans légitimité démocratique entre l’Union européenne (en fait l’Eurogroupe, ce qui est encore pire), la BCE et le FMI, en échange d’une austérité dévastatrice (baisse des salaires, baisse des pensions, vente à l’encan des biens publics, etc.). On pense tout de suite à la « Stratégie du choc » de Naomi Klein – c’est tout à fait ça – mais Varoufakis ne mentionne pas ce livre fondamental. 

Notre économiste connaît beaucoup de monde – aux États-Unis, Galbraith et Larry Summers, excusez du peu, un Lord en Grande Bretagne, et en Grèce même il a beaucoup de collègues – ces gens-là, haut placés, l’aideront en vain le moment venu.

Homme de gauche, il se sent proche de Syriza sans en faire partie ; il conseille Tsipras et va être amené à lui proposer le volet économique de son programme, à dire vrai une véritable stratégie à même de desserrer l’étau qui ruine la Grèce – en prison pour dettes, comme il dit – ; il fera d’innombrables versions de ce document et croira en ses vertus jusqu’au bout. 

À suivre…

(V.2 du 5 mars 2018)

25/12/2017

Le blogue "Le bien écrire" est désormais fermé

Je n'ai pas eu le temps de parler de Lawrence Durrel, une de mes idoles littéraires.

Quand on parlait de Sommières, c'était pour déplorer des inondations catastrophiques car c'est un petit village du Gard les pieds dans l'eau.

Il n'aimait pas spécialement l'eau, Larry, mais il appréciait le vin de Provence, sans aucune modération. Est-ce pour cela et parce que Sommières peut évoquer "sommelier" qu'il avait choisi d'y finir sa vie, à côté du Pont du Gard et des vestiges romains ?

Je préfère penser que c'est plutôt la proximité avec "sommité" car il en était une !

Non, je n'aurai pas eu le temps de vous en parler...

Car je ferme aujourd'hui, jour de Noël 2017, ce blogue ouvert le 1er juillet 2014.

Trois ans et demis de lecture et d'écriture acharnées, près de 800 billets publiés (au début à un train d'enfer).

Est-ce par tarissement des sujets ? Oh que non...

Est-ce par fatigue ou lassitude ? Pas le moins du monde !

C'est tout simplement par manque de lecteurs...

En effet la fréquentation de ce blogue a périclité vers le 22 octobre 2017, pour une raison inconnue de moi, et ne s'est jamais relevée. Ces derniers jours, nous en étions à un, deux ou trois lecteurs uniques.

Tant pis pour ces fidèles d'entre les fidèles, ils paieront pour tous ceux qui ont lâché...

Je vais récupérer du temps pour lire et jouer de la musique, et je garderai mes commentaires pour moi.

Comme c'est triste, la fin des histoires d'amour...

Arbre de Noël.jpg

21/12/2017

"Souvenirs d'une ambassade à Berlin" (André François-Poncet) : critique VI

« Il ne doit plus y avoir, légalement, dans le IIIème Reich, qu’un seul parti, le parti national-socialiste, le Parti unique, le Parti omnipotent. Le nettoyage prévu ne s’est heurté à aucune difficulté sérieuse ; il a été exécuté en six mois » (page 118). 

André François-Poncet brosse alors quelques portraits des Nazis qui prennent les postes autour de Hitler (Goebbels, Goering et comparses), et qui sont loin d’être tous des brutes épaisses ; il y a parmi eux de vives intelligences et des compétences réelles mais, évidemment, mises au service d’un projet monstrueux. Cette galerie de portraits est traitée avec finesse, dans une langue et un style « classiques » où le talent de notre écrivain éclate. 

Et, page 156, André François-Poncet constate que la Blitzkrieg menée par Hitler (une sorte de « révolution par ordonnances » mais naturellement sans aucune base démocratique) a totalement réussi. Treize ans après, il en est encore éberlué : « Voilà, donc, Hitler parvenu à ses fins, sur le terrain de la politique extérieure comme sur tous les autres ! Il a opéré le redressement qu’il s’était proposé. Il s’est libéré de la Société des Nations et l’Allemagne n’en a subi aucun dommage apparent (NDLR : Germany first !). Son habileté, son audace ont porté leurs fruits.

Quand on considère, en cet automne de 1933, l’œuvre qu’il a accomplie depuis le 30 janvier, on est stupéfait. Il a jeté par terre la république de Weimar (NDLR : l’ancien monde…), édifié sur ses ruines sa dictature personnelle totale, et celle de son parti, balayé ses adversaires politiques et jugulé toutes les libertés, étouffé les États confédérés, brisé la tradition particulariste et centralisé le Reich, plus qu’il ne l’a jamais été, mis en place et en marche (NDLR : !), dans toutes ses institutions caractéristiques, un régime nouveau, bouleversé l’État, l’administration, la société, les familles, mes individus, secoué l’Europe, enfin, comme il a secoué son pays, et fait surgir, au milieu des conseils internationaux, l’image d’une Allemagne émancipée, réveillée et redoutable !

Dans les années qui suivront, il se bornera à développer son œuvre ; il n’y ajoutera rien d’essentiel. Dès la fin de 1933, l’Allemagne nationale-socialiste est sur pied, avec ses mœurs, ses procédures, son vocabulaire, ses manières de saluer, ses slogans, ses modes, son art, ses lois, ses fêtes. Rien n’y manque (…).

L’étonnant, dans cette révolution, c’est la vitesse avec laquelle elle a été exécutée ; c’est aussi la facilité avec laquelle elle s’est installée, le peu de résistance qu’elle a rencontré. Il y a d’ailleurs, dans cette rapidité même, quelque chose d’inhumain, de contre-nature ».

Le chapitre « Hitler au pouvoir » se conclut par la mention d’une opposition qui pour être larvée n’en existe pas moins : opposition des anciennes classes dirigeantes qui souhaitaient le retour de la monarchie et réprouvent la violence du nouveau régime et sa désinvolture dans le maniement des finances publiques ; opposition des ultras du Parti, chauffés à blanc et qui en veulent plus, qui veulent une seconde révolution !