10/08/2020
Pauvres statues, pauvres de nous
Dans son numéro du 1ernovembre 2019 (il y a un siècle…), le journal Marianne publiait une « brève » de Samuel Piquet sur le voilement des statues. Lors des Journées du patrimoine (quoi de plus français ? quoi de plus respectueux de l’histoire ? quoi de plus passionné pour les chefs d’œuvre du passé ?), « des nus de l’artiste Stéphane Simon exposés à l’Unesco ont été habillés d’un slip et d’un stringpour ne pas déranger certains visiteurs » !
Aujourd’hui certains se rassemblent, en France comme ailleurs dans le monde, pour protester contre un État et des forces de l’ordre supposément racistes et s’arrogent le droit d’exiger le démontage de statues censément inacceptables, donc en un mot de réviser eux-mêmes l’histoire. Cela a été fait effectivement en Martinique, en Belgique (Léopold II) et aux États-Unis (où la mort de George Floyd a été le déclencheur). Les images sont consternantes, la violence, l’hystérie, la joie mauvaise des spectateurs.
J’ai visité Richmond (Virginie) il y a quelques années et j’y avais vu en particulier la statue d’Arthur Ashe, ce joueur de tennis mythique (le meilleur du monde en 1975), dans Monument Avenue. Eh bien, engrenage fatal, cette statue a elle-même été vandalisée…
Pauvres statues, pauvres de nous !
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26/06/2020
Hommage à Marc Fumaroli (1932-2020)
Le site du journal Marianne nous apprend la disparition, le 24 juin 2020, de M. Marc Fumaroli, Professeur au Collège de France, Académicien français, passionné de littérature et du XVIIème siècle, conservateur assumé et héraut de la République des Lettres, sur laquelle il avait écrit un livre passionnant.
C’était un ami du regretté Jean d’O., dans mes billets je l’appelais familièrement Marco, il ne m’en a jamais voulu…
Il défendait le style et la qualité d’expression en français, la vraie culture (que certains confondent avec le divertissement), l’Antiquité, les classiques et les Lumières, le rayonnement français. Tout pour (nous) plaire !
Régalons-nous avec quelques citations, reproduites de l’article de Frédéric Pennel :
« La littérature n'est pas seulement un objet d'étude, mais un véritable chemin de vie. Les écrivains, même s'ils ne prétendent pas nous mener à la sainteté ou au salut, sont de très grands maîtres spirituels. Car il y a dans la littérature, comme dans les sagesses antiques, une dimension pratique. C'est un apprentissage de l'usage du temps, de nous-mêmes, des autres (...) Et cela change une vie ».
« Nous avons été conditionnés, voire terrorisés, par des « avant-gardes » qui ne toléraient pas la moindre répétition, la moindre imitation, la moindre « banalité figurative ». Elles ont fait de la beauté l'ennemi à abattre ».
« Ce que je reproche, c’est d’avoir favorisé la culture de masse américaine dans ce pays où la culture populaire était si brillante. Souvenez-vous qu’on avait des chansonniers superbes, un théâtre-comique superbe ».
« Toute éducation, écrit-il dans Partis pris, devrait donner le goût de la lecture des bons livres, à contre-courant du remue-ménage médiatique qui retarde ou empêche l’éclosion du jugement et de l’imagination personnels. Les bons livres ne sont pas nécessairement ésotériques et réservés à leurs spécialistes siégeant en séminaires et colloques. C’est une faiblesse de la littérature actuelle que sa polarisation extrême entre livres pour coteries et livres pour supermarché ».
Il avait été féroce sur la féminisation de certains noms : « Notairesse, mairesse, doctoresse, chefesse […] riment fâcheusement avec fesse, borgnesse et drôlesse, n’évoquant la duchesse que de très loin, écrivait-il en 1998 dans Le Monde. Tranchons entre recteuse, rectrice et rectale ».
Lisons ou relisons l’un de ses vingt ouvrages !
14:50 Publié dans Actualité et langue française, Arts, Écrivains, Fumaroli M., Histoire et langue française, Littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
17/10/2019
L'art de nommer les sensations
Le 2 août 2019, Marianne consacrait un long article à Jacques Puisais, philosophe et œnologue, fondateur en 1975 de l’Institut français du goût.
Quel est donc le rapport entre M. Puisais et nos préoccupations linguistiques et littéraires ? Les mots !
« Il observe que les mots pour décrire les aliments viennent difficilement, même à ceux qui les ont produits (…) Quarante années durant, il se bat pour former des instituteurs à une pédagogie dont la première vertu est de développer le vocabulaire des enfants (…) Jacques Puisais se bat pour rendre leur sens aux mots, expliquant qu’il est nécessaire d’apprendre à goûter pour que la langue du pays se maintienne. Il cite ces universitaires néerlandais lui disant avec tristesse : nous avons perdu des centaines de mots ».
« Il ne saurait exister de véritable émancipation dans un rapport faux au monde et aux mots. Telle est la philosophie de Jacques Puisais : le mot juste pour le goût juste ».
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