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21/09/2020

"Les Misérables (tome II)" (Victor Hugo) : critique I

À partir de janvier 2017, j’ai consacré pas moins de huit billets à l’analyse du Tome I des Misérables. J’avais commencé la lecture intégrale de ce monument de la littérature écrit par Victor Hugo en 1857, n’ayant lu enfant qu’une édition abrégée et des extraits.

Cela m’a gêné qu’un film récent, largement promu par les médias, ait été baptisé « Les Misérables », d’autant que ce titre accroît l’ambigüité sur le propos réel du cinéaste : qui a-t-il voulu désigner ainsi ? le terme est-il à prendre dans l’acception hugolienne (« les gens victimes de la misère ») ou bien dans l’acception plus moderne (« ah, les misérables ! les vandales ! ») ? qui est vraiment visé dans ce film (certains jeunes de banlieue, les clans, la police) ?

Quoiqu’il en soit, c’est le roman de Victor Hugo qui m’intéresse ici. Son Tome II des Éditions Rencontre (1968) ne va pas susciter de ma part autant de commentaires que le premier, bien que l’on y retrouve aussi nombre d’ingrédients du talent de l’écrivain : ampleur de la documentation, qualité des descriptions (des lieux tout autant que des caractères), habileté de la construction (rebondissements à la Maurice Leblanc, réapparition de certains personnages…) digne des meilleurs feuilletons (rebaptisés « séries » par les Américains), et surtout virtuosité de l’écriture dans un français précis, riche, varié, dont la pertinence et l’originalité de ses métaphores ne sont pas l’élément le moins remarquable.

Voici par exemple, page 22 du Tome II, comment Hugo décrit un vaisseau de ligne : « Un vaisseau de ligne est une des plus magnifiques rencontres qu’ait le génie de l’homme avec la puissance de la nature. Un vaisseau de ligne est composé à la fois de ce qu’il ya de plus lourd et de ce qu’il y a de plus léger, parce qu’il a affaire en même temps aux trois fromes de la substance, au solide, eu liquide, au fluide, et qu’il doit lutter contre toutes les trois. Il a onze griffes de fer pour saisir le granit au fond de la mer, et plus d’ailes et plus d’antennes que la bigaille pour prendre le vent dans les nuées. Son haleine sort par ses cent vingt canons comme par des clairons énormes, et répond fièrement à la foudre. L’océan cherche à l’égarer dans l’effrayante similitude de ses vagues, mais le vaisseau a son âme, sa boussole, qui le conseille et lui montre toujours le nord. Dans les nuits noires ses fanaux suppléent aux étoiles. Ainsi, contre le vent, il a la corde et la toile, contre l’eau le bois, contre le rocher le fer, le cuivre et le plomb, contre l’ombre la lumière, contre l’immensité une aiguille ». Ensuite, Hugo, comme Jules Verne, s’extasie des chiffres immenses qui caractérisent ce bateau (avec des unités que nous n’employons plus : toises, pieds, stères et chevaux)  et conclut : « C’est une forêt qui flotte » !

Et la bigaille, me direz-vous, qu’est-ce donc ? Ce mot est inconnu de mon Larousse de 1923 mais le TILF nous renseigne : « Fam.  Insecte ailé qui agace ou qui pique. Un large éventail (...) pour chasser les moustiques et les bigailles (Hugo, Bug-Jargal, 1826, p. 23) ».

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