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30/03/2020

Une fois et le foie : il faut avoir la foi

Une fois n’est pas coutume, je vais emprunter à un créateur anonyme de vidéos, une explication convaincante bien qu’humoristique des difficultés de la langue française, dues en particulier au fait que, contrairement à d’autres langues, tout ce qui est écrit en français ne se prononce pas forcément (sans parler des survivances du passé comme Broglie qui se prononce « breuil »). La scène est jouée par des Québécois, ce qui n’est pas pour me déplaire.

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Morale de l’histoire : il faut apprendre certaines choses par cœur… Et donc, les pédagogistes qui ont tout fait pour supprimer cet exercice vieux comme le monde, ont fait beaucoup de mal à l’enseignement de notre langue.

28/03/2020

Les mots du corona IV

Si ce n’était pas si triste, on en rirait à gorge déployée !

Car l’épidémie de Covid-19 contamine le vocabulaire quotidien dans des proportions qui confinent (!) à l’absurde.

Il y a la langue embarrassée des politiques : Mme Ndiaye nous parle « en bon père de famille » (où est passée l’écriture inclusive ? Terrassée par le peu de gel hydro-alcoolique qui traîne ?). À propos d’écriture inclusive, voici une relance d’une Grande École parisienne à ses étudiants : « Message aux diplômé-e-s : vous avez été sollicité-e-s pour répondre à une enquête, etc. ». Le rédacteur englobe, non seulement le féminin et le masculin, mais aussi le singulier et le pluriel, puisque, s’adressant à chaque étudiant, il aurait pu se contenter d’écrire « vous avez été sollicité-e ».

M. Édouard Philippe a décidé que les marchés ouverts seront fermés… Et il use et abuse de l’expression « les Outremers ».

Dans la même veine, la piscine d’une ville de banlieue parisienne a affiché : « Fermée pour cause de fermeture » !

Un chroniqueur de Cnews, le 25 mars 2020, vers 19 h 40, a déclaré que les mesures avaient été prises « un peu hard ». Comme un confrère lui soufflait l’expression bien connue « à la hussarde », il a bredouillé « merci, je cherchais le mot ». Si c’est du snobisme, c’est ridicule (qu’il ne croie surtout pas que cela épate la France des ronds-points!), si c’est réel, alors c’est grave pour notre langue (et pour l’élite qui l’oublie). Quelques minutes plus tard, sur la même chaîne, quelqu’un soulignait la transition vers le sujet suivant en s’esclaffant : « quel teasing ! ».

Et c’est comme cela tous les jours que Dieu fait...

26/03/2020

"Sous Verdun" (Maurice Genevoix) : critique

En 1949, l’académicien français Maurice Genevoix réunit en un seul volume intitulé « Ceux de 14 », les cinq récits de guerre qu’il avait écrits entre 1916 et 1923 ; celui qui y fut sous-lieutenant avait noté lors des accalmies ce qu’il voyait et ce qu’il ressentait.

Flammarion en a publié une belle édition en 2013, avec une préface de Michel Bernard et un dossier établi par Florent Deludet, sous forme d’un pavé de 947 pages.

« Sous Verdun » est le premier livre de cet ensemble. On ne s’ennuie pas une seconde tout long de ces 226 pages, parce que le style de Maurice Genevoix est sobre, alerte, sans pathos (ni emphase ni plainte), quasi journalistique. Pas d’expression de haine non plus, même si l’ennemi n’est évoqué que sous l’appellation « les Boches ». On comprend que pour ces soldats, ceux d’en face sont embarqués dans la même galère et souffrent également.

Carte environs d'Amblonville.jpg

Les événements sont banals la plupart du temps – il s’agit de se protéger de la pluie et de trouver de la paille et un endroit pas trop inconfortable pour se reposer chaque nuit (lire par exemple l’enchantement de dormir dans des draps, page 174) – sauf quand ils sont dramatiques : les tirs, les blessés, les morts, les cadavres qu’on doit enjamber… Notre Académicien ne raconte rien d’extraordinaire, à ceci près que la vie de ces jeunes hommes, d’une tranchée à un fossé, en passant par des marches dans les bois et sur les routes de la campagne de la Meuse, et ce qu’ils ont enduré, sont tout bonnement extraordinaires. Ce n’est pas un roman, c’est comme un journal de bord, rythmé par les jours et les nuits qui passent.

Cette existence rude, angoissante et pleine de périls n’empêche pas, bien au contraire, la fraternité, la plaisanterie, les bonheurs tout simples des hommes de troupe ni, pour le sous-lieutenant Genevoix, la poésie des petits matins, du chant des oiseaux et des couchers de soleil : « Le ciel pâlit au zénith, et mes yeux cherchent sans se lasser la caresse ineffable du couchant, errant de l’émeraude froide et transparente aux ors qui s’échauffent jusqu’à l’ardeur flambante de l’horizon, sans rien perdre de leur fluidité » (page 126).

Repas à la ferme d'Amblonville.jpg

La langue du récit, je l’ai dit, est simple, avec parfois un certain lyrisme et des formules imagées : « Les flocons des éclatements , que pique un bref point d’or, les poursuivent, les cernent d’une théorie flottante et neigeuse » (page 126). Les dialogues sont retranscrits, non pas en patois (pourtant, à l’époque, ce devait être encore très répandu), mais en langue populaire, remplie d’élisions : « Une paire de bath pompes » (page 126) ; « En v’là encore qu’on bouffera avec les ch’vaux de bois » (page 127) ; « Ça d’sucre ! Ben y a pas gras ! L’tas d’la troisième est presque l’doub’e » (page 155) ; « ‘Coutez voir… Bon Dieu ! Pas d’erreur : ça canarde vachement, là-bas » (page 208) ; « Suffit maintenant qu’on aye un brancard » (page 225). Mais parfois, ça en devient peu clair : « Vers dix heures, venant du ravin en arrière mieux défilé aux vues de l’ennemi, les cuistots apparaissent » (page 151) ; « une vie assez aveulissante » (page 154) ; « Et Gendre, déséquipé, en veste courte, monte un équilibre en force et marche sur les mains » (page 175). Et par ailleurs, impossible de suivre vraiment les mouvements des troupes, même avec les dates et avec les lieux-dits.

Amblonville (verney-grandeguerre).jpg

Les mots du métier (de soldat) et peut-être des mots oubliés depuis sont légion (si j’ose dire…) : les aéros boches (pour aéronefs, autrement dit les avions d’observation), les marmites (des obus ?), les chaumes (on connaît ça en Lorraine !), les javelles, le faix des gerbes, les abattis, « elles s’ébaubissaient en chœur » (page 175), « un ravin défilé » (page 217), un layon (ah ! le Côteaux du Layon, dans une autre région…), les gargousses, les guitounes, les biffins (l’armée de terre)…