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05/09/2019

"Des hommes qui lisent" (Édouard Philippe) : critique III

« Plus j’avance dans ma vie, et dans mes lectures, plus je me désole, souvent avec consternation, parfois avec délectation, de ce que je n’ai pas encore lu, de ce qui me reste à lire et de ce que je ne lirai probablement jamais.

Ce livre est le roman d’une famille marquée par les livres, le récit d’une relation entre un père et son fils, un essai sur une politique municipale, mais, avant tout, il est une plaidoirie pour la lecture » (page 23).

Le livre-récit-confession d’Édouard Philippe est vraiment intéressant dans les passages où il décrit et justifie ses coups de cœur littéraires. C’est dans le chapitre 6, intitulé « Panache et monuments ». Et j’avoue que souvent, nous partageons les mêmes enthousiasmes et que parfois ce qu’il dit d’une œuvre me donne envie de m’y plonger.

Cela commence par « Cyrano de Bergerac », dont il a appris, enfant, la tirade du nez sur le conseil de sa mère, handicapé qu’il était à l’école par des oreilles jugées décollées, et qu’il a longtemps considéré comme une pièce mineure. Édouard Philippe est souvent désarmant de franchise et de naïveté calculées ; comme quand il avoue que c’est le film de Jean-Paul Rappeneau, en 1990, qui l’a fait changer d’avis sur le Cyrano d’Edmond Rostand : « Depuis, Cyrano est probablement le livre que je lis le plus souvent » (page 92). Cet été, un de mes amis s’est lancé, lui aussi, dans un panégyrique de cette « pièce en alexandrins, imitant les classiques mais écrite à la fin du XIXème siècle » ; peut-être venait-il lui-même de terminer « Des hommes qui lisent » ! Quoiqu’il en soit, ce passage du livre est vraiment bon et convaincant ; notre Premier Ministre en profite pour broder avec talent sur l’action politique, sur le conflit permanent entre les principes et l’efficacité, la pureté et le compromis, la fin et les moyens, et il s’enflamme pour le panache, la signature de Cyrano.

Je partage la position d’Édouard Philippe sur les rapports entre la littérature et le cinéma. « À quoi sert le cinéma, s’il vient après la littérature ? (Jean-Luc Godard) » « À faire œuvre de création originale sans doute mais aussi, après tout, à rendre compte de l’existence et du préalable qu’a été et que sera longtemps la littérature pour l’image » (page 98). Et de fait, certains, comme Gérard Depardieu lui-même, ont découvert Cyrano grâce au film ; d’autres comme Édouard Philippe l’ont re-découvert ; quant à moi, j’ai hérité d’une vieille édition de la pièce et tout cela m’a donné envie de la lire. Même chose pour « Tous les matins du monde » et tant d’autres œuvres ; la plupart du temps, le film est inférieur à l’original mais il y a des exceptions. Édouard Philippe a découvert « Les Misérables » et Hugo  grâce au film avec Robert Hossein et Lino Ventura ! Et il a été impressionné, comme moi, par la description de la bataille de Waterloo. Il a relu deux fois « Les Misérables » depuis lors, dans l’édition de poche en trois tomes qui ne l’a jamais quitté de déménagement et déménagement. Comme « Les Trois Mousquetaires » et « Vingt ans après », il s’est promis de le relire tous les dix ou quinze ans ! Je n’en suis pas là… Hugo et Dumas ont atteint deux sommets de la littérature et « se trouvent comme ainsi dire étouffés par leur succès populaire, qui les condamne dans le même mouvement à la gloire nationale et à l’indifférence intellectuelle » (page 101). C’est bien dit !

À suivre...

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