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04/03/2019

"Les yeux d'Irène" (Jean Raspail) : critique III

Et enfin c’est Saint Flour, la chaîne des puys, la vallée de la Rhue… Il mélange un peu et invente même une abbaye de Saint-Amandin mais qu’importe : on est chez nous. Et le meilleur est à venir. Le narrateur parle à Aude, déjà séduite, des « forteresses quasi métaphysiques », dont un modèle est pour lui un château médiéval dans le sud du Périgord (page 83). « Un sommet de l’architecture militaire, l’ultime merveille d’un art achevé ». Ce château, je l’ai visité, c’est au pied de ses murailles qu’un guide peu commun nous a révélé quel porche d’église avait inspiré Umberto Eco pour « Le nom de la rose »… « Le château s’appelle Bonnaguil. On n’y a jamais tiré un coup de feu ». À noter, qu’on rencontre plus souvent l’orthographe Bonaguil.

Wikipedia nous indique qu’une petite partie du film « Le vieux fusil » de Robert Enrico (1975) y a été tournée  et que Thomas Edward Lawrence, dit Lawrence d'Arabie, y est resté un mois et deux jours en tant qu'archéologue entre 1907 et 1908.

Je connais bien Lugarde… Jean Raspail y invente un château, dont l’enceinte aurait été démantelée sous Richelieu, avec de grands bois autour, une pièce d’eau et un colombier, et qui est habité par la Comtesse éponyme. Eh bien rien de tout cela n’existe ! Liberté de création de l’écrivain… Et sans en avoir l’air, l’une des pièces du puzzle se met en place, ici, page 90, devant la cheminée du château, autour d’un scotch de la meilleure eau.

Le duo arrive en Bretagne dans un village désert : « La vie de vacances n’est qu’artifice. Chacun s’y leurre sans se douter que le néant recouvre la plus grande partie de l’année le théâtre des illusions d’été et que les foules en congé d’un mois ne font que se croiser dans des tombeaux et déambuler dans des nécropoles » (page 118). On se croirait dans « Un temps de saison » de Marie N’Diaye (1994). Nous voici dans les lieux de l’intrigue, vous n’en saurez pas plus !

Un accord qui intrigue, page 182 : « une jeune femme que Dom Jansen avait déjà jugée très jolie ». « La jeune femme » est-elle vraiment le complément d’objet direct de Dom Jansen, à défaut d’avoir été l’objet de son coup d’œil de connaisseur ? Et sinon, faut-il vraiment accorder « jugé » avec elle, dont la féminité est déjà dans « jolie » ?

Et un autre page 272 : « On l’avait vue sortir de chez moi ». L’Académie dit : on accorde si l’on peut écrire « on l’avait vue sortant de chez moi ». Alors c’est bon.

Un mot peu courant page 282 : « Les bons vieux trappistes égrotants ». Notre Trésor indique : « Qui vit dans un état maladif permanent ».

Irène Papas.jpg

Et encore un petit signe de reconnaissance avec Jean Raspail : il écrit les dates avec des chiffres romains pour le mois (mais avec des points au lieu de tirets, et les années sur deux caractères, 16 ans avant l’épouvantail « An 2000 ») : 12.VII.52.

Au total, un roman inégal mais que l’on a envie de lire jusqu’au bout, là où une certaine lumière se fait sur l’intrigue. Il plaira à ceux, nombreux, qu’amuse le mystère et les enquêtes, aux lecteurs de Guillaume Musso – et même à ceux de Marc Lévy. Quant à le conserver pour le relire, sans doute pas.

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