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17/12/2018

Les mots français à la mode III

Celui-ci n’est pas un tic verbal mais un détournement de mot pour essayer de discréditer et de disqualifier des adversaires politiques : « populiste ». Pour Henri Pena-Ruiz, c’est « le gros mot à tout faire » (Marianne du 9 novembre 2018) : « La notion de populisme semble autoriser la confusion insultante entre les démagogues qui flattent le peuple pour mieux l’écraser et les militants qui servent authentiquement les intérêts des plus démunis ». Et encore : « Il est temps de fermer la parenthèse ordo-libérale. Place au peuple (…). Populisme ? Assumons sans complexes ».

Une semaine auparavant (Marianne du 2 novembre 2018), c’est Jacques Chamboux qui écrivait, sous le titre « La capitalisme ou l’évaporation sémantique » : « Pour exalter ses vertus comme pour en dissimuler les innombrables crimes, ses zélateurs lui préfèrent libéralisme ou marché, pour le désigner et en naturaliser l’existence. Cette évaporation sémantique permet toutes les ruses langagières. Ainsi, pour conjurer le péril du réchauffement climatique, on en appelle à une croissante verte ou à une dé- ou post-croissance, mais de remise en cause du système qui le génère, jamais ! ».

Le détournement du sens des mots est vieux comme la politique et son arme préférée, la propagande (rappelons-nous l’usage qu’en ont fait les régimes nazi et soviétique ; rappelons-nous la novlangue de George Orwell). En 1984, la bataille contre la réforme du système éducatif français a été en partie gagnée par l’utilisation exclusive du terme « école libre » (défendons l’école libre = défendons la liberté), au lieu de « école privée » (privatif… hum… pas bon, ça) ou de « école confessionnelle ». Aujourd’hui on appelle ça « la bataille de la communication ».

Au risque de m’éloigner du sujet de ce billet et de cette rubrique (« Les mots à la mode »), je veux citer encore Henri Pena-Ruiz qui, dans le Marianne du 12 octobre 2018, analysait le terme ambigu d’État-providence : « Annonçant sa politique sociale, M. Macron parle d’État-providence. Un vocabulaire inepte. Les droits sociaux n’ont rien à voir avec une manne providentielle, offerte par bienveillance paternaliste, plus ou moins condescendante. La notion de Welfare State (état en vue du bien-être) est d’ailleurs très différente. Elle définit une finalité, le souci d’une existence matérielle digne, accessible à tous. La providence définit plutôt une modalité, par transposition religieuse de la prévoyance humaine (Saint Augustin) (…). Ce n’est pas l’État qui donne. Ce sont les travailleurs qui s’organisent , comme ils le feront avec la Sécurité sociale grâce à Ambroise Croizat, ministre communiste à la Libération ».

On connaît depuis longtemps les circonvolutions du langage diplomatique (« un échange franc et direct », etc.). Denis Monod-Broca parle d’opération enfumage dans son courrier des lecteurs de Marianne (12 octobre 2018) : « Au sujet de la bioéthique et des nouvelles lois à venir, on lit dans les journaux que le gouvernement vise un débat apaisé. Traduction libre : l’opération enfumage est lancée ».

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