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06/02/2018

"Conversations entre adultes" (Yanis Varoufakis) : critique II

Le parcours de Yanis Varoufakis est fascinant : il est grec, fils d’un professeur de chimie à l’université exilé et ré-éduqué pour avoir « combattu dans le camp communiste lors de la guerre civile de 1946-1949 » (Wikipedia). Sur le conseil de son père, il va faire ses études supérieures en Angleterre, à Essex, Birmingham et Cambridge, et obtient un doctorat en économie. Il émigre ensuite en Australie pour y enseigner et acquiert la nationalité australienne. Il revient à Glasgow, puis enseigne à Louvain et enfin devient professeur de théorie économique à Athènes. Pendant cette période, de 2004 à 2006, il est conseiller économique de Georges Papandreou. Il écrit de nombreux livres, dont un sera préfacé par Michel Rocard dans sa traduction française. Depuis janvier 2013, il est enseignant à l’université d’Austin au Texas.

Un homme de gauche donc, imprégné dans son milieu familial « d’esprit de résistance », un homme formé dans le monde anglo-saxon, qui a franchi toutes les étapes d’une belle carrière universitaire, bilingue et de culture grecque.

Il ironisera d’ailleurs (gentiment) sur l’incapacité de Michel Sapin à s’exprimer en anglais, sur la faiblesse du cursus universitaire du néerlandais Dijstroem (pourtant à la tête de l’Eurogroup) et sur la naïveté d’avocate de Christine Lagarde quand elle a « découvert » les tripatouillages du « triangle des péchés » grec (les banquiers, les médias et les grands patrons).

Et c’est lui que Tsipras va mettre dans les pattes des idéologues ultralibéraux de Bruxelles, de Frankfurt et de Washington !

C’est lui qui va être nommé ministre des finances de Grèce et va venir défendre une position originale de sortie de la « prison pour dettes » !

C’est lui qui, élu triomphalement député d’Athènes sans l’étiquette Syriza, va débouler au milieu du jeu de quilles des technocrates de l’Union européenne et du FMI, qui se soucient de démocratie et de légitimité comme d’une guigne !

Objectivement, comment cela pouvait-il bien se passer ? ou, plus exactement, comment cela pouvait-il se terminer autrement que par leur KO ou le sien ?

La chevauchée folle de Yanis Varoufakis dans les dédales de la mondialisation financière appliquant la théorie du choc à la Grèce, berceau de la démocratie et de notre culture, est le premier aspect de son livre « Conversations entre adultes » qui m’a profondément touché, parce que résonnant fortement avec des événements à la fois professionnel et personnel.

J’y ai retrouvé avec émotion deux règles tirées de mon expérience : en premier lieu, il est impossible de s’imposer et de faire passer ses demandes si l’on n’est pas du sérail, de la coterie, de la famille de pensée ! Varoufakis détonnait trop à Bruxelles et à Frankfurt, par son histoire familiale, par son niveau théorique en économie, par sa culture, par son patriotisme, par son européanisme, par son style de vie (tenues décontractées, veste de cuir, moto…) ; la greffe ne pouvait pas prendre, le corps social bruxellois sans frontières s’est refermé comme une huître. 

Ensuite, dans une négociation (surtout, mais pas uniquement, quand on est en position de faiblesse, surtout quand elles vont à rebours de ce qui ronronne tranquillement…), il est impossible de proposer des solutions compliquées et d’espérer les faire adopter : il faut du simple, en continuité avec « ce qui se fait » et avec « ce que tout le monde comprend ». 

Le professeur Varoufakis ne venait avec rien de tout cela : homme de gauche et de résistance, il était attendu comme un oiseau pour le tir aux canards. Le plus étonnant est qu’il leur ait fallu un tel temps, une telle débauche de coups tordus, de mensonges et de pressions insensées pour l’abattre.

Chapeau, Yanis !

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