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28/08/2017

Inclure par l'orthographe et la grammaire ?

La fameuse « rectification de l’orthographe » date de 1990, cela fera bientôt trente ans, et personne ne l’applique vraiment. On a bien vu disparaître dans les correcteurs automatiques de nos ordinateurs l’obligation d’écrire « paraître » – et « disparaître » justement – avec un « î »… Mais personne n’écrit encore nénufar ni onion… Mme Belkacem, ex-ministre de l’éducation nationale, a bien fait in extremis un cadeau aux éditeurs en leur demandant de refaire leurs manuels scolaires à la mode de la réforme, rien ne dit que celle-ci – recommandée avec des pincettes à l’époque par l’Académie française – sera in fine respectée… 

Par ailleurs, on constate dans le langage courant une simplification de l’accord des adjectifs et surtout des participes passés quand le sujet ou le substantif est du genre féminin. Ainsi entend-on souvent : « elle a été soumis à forte pression », au lieu de « soumise » (de crainte d’emmêler mes lecteurs, je n’insiste pas sur l’erreur inverse fréquente qui consiste à dire « elle s’est faite enlever une dent », au lieu de « s’est fait », car il s’agit d’un tout autre problème : les verbes pronominaux !). 

Donc d’une part la langue évolue naturellement dans le sens « du moindre effort » et d’autre part quand on essaie de la simplifier, les locuteurs renâclent ! C’est dans ce contexte, qui n’est pas nouveau, qu’un quarteron de jusqu’au-boutistes féministes s’est mis en tête de transformer l’orthographe et les règles de grammaire de façon à traduire une égalité parfaite entre le masculin et le féminin – en d’autres termes, entre les hommes et les femmes. Pour être honnête et complet, je dois dire qu’un « Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes » (remarquez l’ordre sciemment inversé entre hommes et femmes !) s’est emparé du dossier et a réalisé un « Guide pratique pour une communication publique sans stéréotype de sexe » (trois ans de travail !)… Pourquoi pas ? Quelle cause aujourd’hui n’a pas son Haut Comité, au nom de l’égalité tous azimuts et du bonheur tout de suite pour tout le monde ? On a vu ce que cela a donné dans le domaine de la laïcité grâce à M. Bianco… Il y aurait eu déjà une dictée en orthographe « égalitaire » début 2017 et un manuel réalisé par une agence de comm’ (je tire ces renseignements de l’article de Mme Corinne Dillenseger (Les Échos du 11 août 2017) et en écrivant cela, je me demande ce que je pourrais faire pour cacher qu’elle est une femme… peut-être écrire son prénom « Corinn » ? Et cela me fait penser à la dictée des Inconnus dans laquelle ils précisaient que « Adeline » se terminait par un « e », sinon cela aurait fait « Adelin »…). 

Bon mais qu’est-ce donc que cette écriture « égalitaire », appelée aussi « inclusive » ? Il s’agirait, en particulier, de neutraliser l’ancestrale règle « le masculin l’emporte sur le féminin » ; on serait ainsi sommé de dire « les hommes et les femmes sont belles », de féminiser tous les noms de métier, de titre, de grade et de fonction (écrivaine, Préfète, etc.), d’utiliser systématiquement l’ordre alphabétique dans les énumérations (bien joué ! le mot « femme » se retrouve à chaque fois devant le mot « homme » mais raté pour les agricultrices)… Est-ce tout ?

Que nenni ! Dans leur délire revendicatif, nos réformateurs (il y a des femmes et peut-être quelques hommes) voudraient nous obliger à lister systématiquement les bipèdes des deux sexes, à la mode « Françaises, Français » (ce qui depuis longtemps relevait de la galanterie et de l’élégance, deviendrait une obligation scrupuleuse). Et pour cela, ils ont réussi à inventer un système qui complique l’orthographe et diminue la lisibilité : le point médian (Alt+250 sur PC, Alt+Maj+F sur Mac) !

Oui, Mesdames et Messieurs (on est d’accord que les Demoiselles ont disparu depuis quelques années de notre pays, autres temps, autres mœurs), ces pauvres Francophones (ouf, un terme hermaphrodite !) qui n’entravent rien à la typographie, qui tapent des blancs au jugé avant les « . » et les « : » et ne maîtrisent toujours pas leur clavier d’ordinateur, devraient dorénavant écrire : « les Français·es », « tou·te·s les salarié·e·s », « elles·ils sont nombreux·ses »… Au fou !


Ce n’est pas tout ! Il nous faudrait préférer les mots s’écrivant de manière identique au masculin et au féminin (épicènes) : « un·e élève », « un·e collègue », « un·e cadre ».

Et comme nos réformateurs se sont rendu compte que tout cela était trop compliqué (alors que le sens d’évolution de la langue est la simplification), il nous ont assené, comme les Suédois je crois, l’injonction fatale : « Optez pour les mots qui ne précisent pas le sexe comme : une personne, un être humain, le public, l’effectif, "droits humains" ou "droits de la personne humaine" au lieu de "droits de l’homme" ». Sans doute n’ai-je pas le droit de remarquer que « une personne » est du féminin et que « un être humain » est du masculin… Mauvais esprit !

Adam et Ève.jpg


Autres nouvelles du front, dans un registre voisin mais différent : alors que certains réclament l’affichage de l’égalité entre les hommes et les femmes à travers l’égalité entre le masculin et le féminin – et reconnaissent par là même que ces deux sexes et ces deux genres existent et sont différents, d’autres militent pour ce que l’on appelle dans les sciences de l’ingénieur « une logique ternaire » : non plus homme ou femme mais homme, femme ou autre. Par exemple, si vous voulez vous inscrire sur le site de France Université Numérique (FUN), on vous demande si vous êtes M, F ou Autre. Côté langue française, l’Académie indique que le neutre n’existe pas et que c’est le masculin qui en assure la fonction… Faudra-t-il un jour que le féminin aussi devienne neutre ?


Que penser de tout cela ?

Bien sûr les questions d’égalité sont extrêmement importantes et une société s’honore de les traiter au fond. Mais faut-il pour autant s’attaquer aux travaux d’Hercule que représente la transformation « volontaire » d’une langue, sachant que des initiatives trentenaires du même acabit ont échoué ? Et enfin, face aux défis et aux dangers qui sont devant nous (et que chacun connaît), n’avons-nous pas autre chose à faire et d’autres combats auxquels consacrer nos énergies ? La réponse est dans la question, comme on dit.

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