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13/07/2017

"Les révoltés de la Bounty" (Jules Verne) : critique

Dans cette même édition conforme à Hetzel, à la suite des « Cinq cents millions de la Bégum », se trouve un très court roman de vingt pages – plutôt une nouvelle ou même un long article de presse – « Les révoltés de la Bounty » (1879). Bizarrement, Jules Verne utilise le féminin, alors que la postérité a retenu ce nom comme « le Bounty » ; c’est d’autant plus étonnant qu’il ne parle au début que de « bâtiment » et de « navire ». Voir en annexe ce qu’en dit Wikipedia.

Bounty 2.jpgCette histoire est archi-connue et a même fait l’objet de films (Wikipedia recense une dizaine de livres et quatre ou cinq films sur le sujet). Son succès à travers les âges est d’abord dû aux péripéties rocambolesques et dramatiques qui ont jalonné la suite de l’insurrection dirigée par le fameux Fletcher Christian contre son commandant William Bligh, quelques semaines avant la Révolution française, de l’errance d’une île à l’autre du Pacifique, jusqu’aux morts violentes dans le dénuement aux antipodes.

Mais au-delà il y a la morale sous-jacente (« Bien mal acquis ne profite jamais ») et surtout cet hymne à l’inflexibilité du code maritime (on ne destitue pas son commandant de bord, fût-il exécrable et injuste) et à la persévérance de la Royale de Sa très gracieuse Majesté, qui ne lésinera sur aucun moyen pour poursuivre et punir les mutins, cela dût-il durer vingt ans.

Et Jules Verne dans tout cela ?

Outre qu’il semble être l’un des tout premiers à avoir raconté cet épisode épique de l’histoire maritime anglaise, il déploie dans sa narration tout son savoir-faire, obéissant presque un siècle avant à l’exigence stylistique de Saint Exupéry : « la perfection, ce n’est pas quand il n’y a plus rien à ajouter ; c’est quand il n’y a plus rien à retirer ». En trois courts chapitres, journaliste virtuose, il traite son sujet : les faits, rien que les faits !

Rien que les faits, vraiment ?

Pas tout à fait (pardon pour le jeu de mots…)… Jules Verne termine sur une note positive, le développement harmonieux et pacifique de l’île de Pitcairn, sur laquelle vivent cent-soixante dix descendants des révoltés de la Bounty, convertis à la morale chrétienne et retrouvant « les mœurs patriarcales des premiers âges ». La rédemption est possible sur cette terre.

Annexe 1 : noms de navires – le nom

Bounty 1.jpg« Le féminin (« la » Bounty) a semble-t-il été généralement utilisé en français, soit parce que Bounty signifie « Bonté », soit par simple respect de l'utilisation systématique du féminin en anglais pour les noms de navires.

Jules Verne entre autres a utilisé le féminin pour intituler son roman de 1879. L’Encyclopædia Universalis utilise également le féminin, de même que la traduction actuelle de la trilogie de Nordhoff et Hall relatant l'épopée de la Bounty.

Pourtant, les titres français des trois films (1935, 1962 et 1984) utilisent le masculin, et l'impact sur le public francophone a été si fort que le genre a basculé dans le langage courant, passant du féminin au masculin, bien que le langage universitaire ou spécialisé continue à utiliser le féminin d'origine (par exemple, pour la traduction du journal de James Morrisson en 1966) ».

Annexe 2 : la sobriété du style s’accommode fort bien de la précision d’un vocabulaire spécialisé. Jules Verne emploie ainsi le mot « accore », dont le dictionnaire Larousse en ligne donne la définition suivante : « Se dit d'une côte abrupte et rocheuse le long de laquelle les profondeurs augmentent rapidement et que les navires peuvent serrer de près ». Quant aux termes désignant les non-Européens qui nous choquent aujourd’hui dans « Les cinq cents millions », nulle trace ici. Les habitants des îles du Pacifique sont appelés « les naturels » ! Mais, pour être tout à fait honnête, on est déçu de lire au début du chapitre III : « Après que le capitaine Bligh eût été abandonné en pleine mer.. » ! Que vient faire là le circonflexe sur le u ? Encore la faute de l’éditeur, peut-être ?

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