24/10/2016
Irritations linguistiques XXXV : français toujours
Entendu dans un téléfilm je ne sais plus où ni quand : « Assis-toi là ». Faut-il rappeler que, pour le verbe asseoir à l’impératif, il n’y a que deux options : soit la forme familière « assois-toi là », soit la forme plus élégante « assieds-toi là ». Si maintenant on confond impératif et indicatif, où va-t-on ?
J’ai appris l’existence du « Printemps républicain », un mouvement qui rassemble les femmes et les hommes de gauche (pourquoi eux seuls ?) autour de la défense de la laïcité et du pacte républicain. Il a commandé une enquête sur le thème « Qu’est-ce qui fait qu’on est français ? », sujet éminemment intéressant mais que je ne songe pas commenter ici. Ce qui m’a titillé, c’est la façon dont Perrine Cherchève en a rendu compte dans le Marianne du 23 septembre 2016. Sur les neuf propositions de réponse, deux arrivent en tête des suffrages de l’échantillon de 2000 Français de 18 ans et plus : « adhérer aux valeurs de la République » (94 % d’accord et plutôt d’accord) et « parler le français » (92 %). Eh bien, la journaliste cite la première réponse, pas la deuxième, et enchaîne sur les réponses très minoritaires. La question du français, langue de la République, serait-elle sans intérêt pour elle ?
Caroline Fourest donne des extraits de son livre « Génie de la laïcité » (Grasset, 2016) dans le Marianne du 7 octobre 2016. Elle y cite en particulier un article de deux chercheurs américains William McCants et Christopher Meserole, « The French Connection » (Foreign Affairs), dans lequel ils écrivent : « Le premier facteur (dans l’émergence du djihadisme radical) est (que les terroristes) proviennent d’un pays francophone ou qui a eu le français comme langue nationale » ! Aberrant, répond Caroline Fourest, statistiques à l’appui. Merci les gars, ai-je envie d’ajouter, sympa de la part de notre plus ancien allié, à qui on a envoyé La Fayette quand ça se passait mal là-bas ! À travers cette basse attaque, n’est-ce pas la francophonie qu’on veut toucher, entendue non seulement comme rassemblement de peuples ayant en partage une langue qui résiste (tant soit peu) à l’anglais mais surtout comme une force d’influence prêchant la solidarité, la démocratie et la non-violence (voir ma série de billets sur la francophonie en début 2016) ?
Charles Dantzig, lui, a écrit dans le Marianne du 23 septembre 2016 un long article pratiquement illisible (je n’en ai rien compris ni retenu), « Halte aux mots toxiques », qui posait pourtant des questions importantes : parle-t-on trop ? écrit-on trop ? et y apportait la réponse suivante : on emploie les mots à tort et à travers ; « guerre », « bobos », « politiquement correct », autant de termes qui perdent leur sens, jusqu’à l’absurde. Là-dessus, je suis d’accord. Mais j’ai sauté directement à la conclusion : « Toute pensée subtile est rejetée. Contre les mots, nous ne la retrouverons que par ceci : les phrases. Et on cessera peut-être de considérer avec condescendance la seule chose qui ait jamais sauvé le monde, la littérature ».
07:30 Publié dans Actualité et langue française, Francophonie | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.