15/09/2016
Ma langue des Hautes-Vosges : ébauche de lexique counehet-français
Je ne suis pas bilingue, contrairement à pas mal de gens qui vivent en France ; ni français-allemand, ni français-anglais, ni rien d’autre… Longtemps j’ai d’ailleurs pensé que les polyglottes étaient « moyens en tout » et que, pour posséder à fond une langue, il fallait n’en connaître qu’une, chaque langue étant à elle toute seule, immensément riche (songeons à Proust, à Hugo…). C’est probablement faux ; il y a aujourd’hui consensus pour dire que le plurilinguisme est une richesse (c’est l’un des credo de la francophonie) ; d’ailleurs Giono ne traduisait-il pas de l’italien et Dutourd de l’anglais ?
Mais quand j’étais enfant, j’utilisais comme mes parents des bribes d’une langue bizarre, ce n’est même pas un dialecte, à peine un patois, celui des Hautes Vosges. Et encore, même pas celui du bourg d’à-côté ! Car j’ai depuis consulté une sorte de manuel de la langue de La Bresse et n’y ai rien retrouvé de ce que je connaissais. J’ai lu par ailleurs suffisamment sur l’histoire de la Lorraine pour comprendre que notre « langue » était romane et pas du tout germanique (bien que traditionnellement nous étudiions tous l’allemand comme langue étrangère, avec moins de succès bien sûr que nos voisins alsaciens et même que nos cousins messins) ; l’ancienne Lotharingie avait en effet été partagée, au terme de longs épisodes guerriers ou non, en deux parties, la partie méridionale donnant la Lorraine actuelle.
De temps à autre me reviennent naturellement des mots de tous les jours qui n’ont pas pour moi d’équivalent en français, un peu comme chez les Ch’tis mais ce "bilinguisme" est de moindre ampleur.
En voici quelques-uns, écrits en « phonétique intuitive »[1] :
vosgien |
français |
arquer |
Avoir du mal à marcher, marcher en traînant la patte « I peut pu arquer après son match de foot » |
(à) blanquétock |
Rasé, tondu, à ras (par exemple, un arbre élagué au ras du tronc) |
boitcher |
Somnoler, dormir d’un œil, surtout de façon intempestive (alors que l’on est censé faire autre chose, ne serait-ce qu’écouter son interlocuteur) |
bouriauder |
Bousculer |
bosey |
Excréments (crottin de cheval…) |
châbler |
Tacler « descendre » un joueur au football en jouant tout sauf le ballon ; jouer de façon très « virile », voire volontairement agressive |
chapoter |
(pour un enfant) Jouer avec de l’eau, barboter |
chiquette |
Petit morceau « chiquette de pain ou de papier » |
coiyotte |
Assis sur les talons (« à coiyotte » : position typique dans les lieux d’aisance à la turque…) |
empôté |
Maladroit, malhabile, gauche |
fameux |
Dans l’expression « c’est fameux », synonyme de « très bon », « excellent »… |
foinger |
Se dit d’un feu qui brûle fort et crépite (comme par exemple des feuilles sèches) |
galichtré |
Fiancé |
gossé |
« je suis gossé » = je suis rassasié, gavé (satt en allemand) |
guédette |
Chèvre |
mâchurer |
Salir, « cochonner » |
marmosé |
Sali, embarbouillé |
moina(ts) |
Moineaux |
noi-ha |
Noir |
pinéguette |
Jeune fille délurée mais pas forcément aguicheuse (Lolita) |
pelchoter |
fignoler, maniaquer |
racate |
Se dit que quelqu’un qui est radin, avare, près de ses sous |
rudement |
Très « Elle est rudement belle » |
s’effrâler |
S’effondrer, pencher dangereusement, être de guinguois |
schpôrier |
Jardiner, bricoler dans le jardin |
taugna |
Se dit que quelqu’un qui est bébête, benêt, emprunté… |
tout-et-yomme |
Plat formé de divers aliments mélangés et malaxés (ex. avec des fraises et de la crème) (un peu le « fourre-z-y-tout » le la série télévisée « Fais pas ci, fais pas ça ») |
trisser |
Gicler Comme de l’eau qui gicle, en un mince filet, d’un robinet ou d’un tuyau |
Pour moi, ils n’ont pas d’équivalent en français ; c’est un monde, le monde de mon enfance.
[1] Je suis bien incapable de les écrire autrement…
07:30 Publié dans Vocabulaire, néologismes, langues minoritaires | Lien permanent | Commentaires (0)
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