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11/08/2016

L'été Dutourd de France (IV) : le jargon de prestige

Jean Dutourd a inventé le terme (je n’ose pas parler de « concept ») de « jargon de prestige ». On ne peut pas dire qu’il ait eu beaucoup de succès et, à ma connaissance, il n’a été repris par personne. De quoi s’agit-il ?

C’est une façon pédante d’employer des mots français, soit improprement, soit à la place d’autres plus simples ou plus pertinents, pour faire savant ou moderne ; c’est une manifestation directe de l’une des causes évidentes du franglais et du charabia : le snobisme.

Jean Dutourd rappelle ainsi que le « courrier » n’est pas une lettre mais l’ensemble des lettres qu’apporte le facteur (page 28). Soit dit en passant, qui, dans dix ans, saura encore ce qu’est un facteur ?

Donc, écrire « j’ai bien reçu votre courrier », uniquement parce que « courrier » peut sembler plus beau, plus vaste, plus chic que « lettre », qui ferait popote et familial, est fautif ou aberrant. C’est du jargon de prestige.

Autre exemple : croyant bien faire, croyant faire instruit, certains écrivent «  croire en mes sentiments… ». Or on peut croire en Dieu, en la patrie, en la France… Mais on ne peut croire qu’à des sentiments, fussent-ils distingués !

On peut sans doute inclure dans cette catégorie le remplacement de mots anciens et simples comme « professeurs » et « élèves », par « enseignants » et « apprenants » (page 68). Jean Dutourd y voit le besoin de compenser le fait que les professeurs ne sauraient plus comment enseigner et que les élèves n’apprendraient plus grand-chose. C’est excessif sans doute ; il y a plutôt une dévalorisation, une dévaluation du sens des mots, le souhait de faire du neuf avec du vieux et surtout le besoin de chacun de se pousser du col, de se montrer plus beau, plus noble, plus enviable qu’on ne l’est en réalité (d’où les techniciens de surface, les agents administratifs… à l’heure des dirigeants drogués aux options d’achat d’actions et des courtiers perfusés aux bonus).

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