Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

08/08/2016

Irritations linguistiques XXX

Décidément, cet été, en fait dès qu’on lit la Presse ou que l’on se connecte aux médias audio-visuels, si l’on ne désespère pas à cause de l’actualité de ces temps calamiteux, on s’irrite des maltraitances infligées à notre langue. 

Écolier avec Najat.jpg

Regardez par exemple cette photo charmante parue dans le Marianne du 3 juin 2016… pas tellement pour le joli sourire, célèbre à juste titre, de Najat (encore que…) mais plutôt pour le maillot que porte le petit garçon en face d’elle et qui donc nous tourne le dos… Lisez-vous comme moi la mention « University » sur ce maillot ? Et ne vous dites-vous pas : « N’y a-t-il pas d’autre référence culturelle à utiliser pour transformer son petit garçon en affiche publicitaire ? » ou bien « À quoi songent les parents de 2016 ? » 

Même hebdomadaire mais dans sa production du 1er juillet 2016 ; Hubert Artus y écrit un article consacré à Moby qui « sort Porcelain, son premier livre ». Passons sur le fait que le verbe « sortir » n’était pas transitif jusqu’à ces dernières semaines… et intéressons-nous à ce qui est dit de ce compositeur de 50 ans : « Et un mode de vie vegan, comme on le voit dans chacune de ses interventions… ». À la première lecture, je n’ai pas compris ; à la seconde non plus ; jusqu’au moment où je me suis dit que « vegan » (qui se prononce « veg-anne » en français) était sûrement de l’anglais et même une contraction comme les Américains les aiment tant. Bon sang mais c’est bien sûr : « vegan », c’est « vegetarian » ! D’où la question : « cet Hubert Artus, pour qui nous prend-il ? ». 

En page 90 du même numéro, Guy Konopnicki dénonce l’utilisation « des guillemets de négation » par l’AFP à propos du massacre d’un million et de mi de chrétiens arméniens par la Turquie en 1915. Écoutons-le : « Les guillemets, parfois agités manuellement pour leur donner une existence à l’oral (NDLR : manie horripilante s’il en est…), semblent perdre leur fonction, qui est de distinguer les citations, au profit de divers usages déplacés, rapprochant ce signe de ponctuation du clin d’œil douteux. On ouvre donc les guillemets pour ne pas assumer un terme que l’on emploie et le charger de doute, si ce n’est d’infamie (…) Son seul emploi paraît déjà choquant du seul point de vue de la langue, il devient franchement ignoble quand les guillemets entourent de suspicion le mot génocide ». Et plus loin : « L’AFP traite cette protestation (NDLR : celle du Pape François lors de son voyage en Arménie) comme s’il s’agissait d’un débat d’historiens, les uns soutenant la thèse du génocide, les autres préférant parler d’une guerre civile, en révisant, au passage, le nombre des victimes ».

L’article rappelle aussi, à propos de la Turquie – et cela nous ramène à l’esclavage et à Alain Mabanckou – que « Les Ottomans pratiquaient l’esclavage et la traite d’êtres humains avant les puissances coloniales, et qu’ils ont poursuivi ce commerce criminel bien après que les Européens l’eurent aboli ».

Voilà qui est dit.

Terminons par une autre « remise en place » salutaire, celle de Jean-Noël Jeanneney, en page 25 du même numéro, à propos de l’impérialisme culturel américain et de la servilité de l’Union européenne : « J’ai vu naguère naufrager, ou à peu près, le beau projet d’une bibliothèque numérique européenne, du fait, notamment, de l’apathie de la Commissaire concernée, et de sa terreur de peiner l’Amérique et ses marchands ». 

Tout l’entretien est intéressant ; il se conclut par l’affirmation qu’il faut faire sa place à une revanche des peuples et des nations et par la proposition de cinq priorités pour sortir de l’impasse européenne : rassurer, harmoniser, protéger, entraîner, exemplifier (ce dernier terme ne me semble pas heureux…). Dommage que les journalistes se soient cru obligés d’ajouter un sous-titre en « jargon à la mode » : « l’opportunité de poser les principes d’un vouloir être ensemble », en ligne avec les « faire société » et « le vivre ensemble » dont on nous rebat les oreilles !

Les commentaires sont fermés.