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18/07/2016

L'été Dutourd de France (II) : néologismes inutiles

Dans son livre « À la recherche du français perdu », Jean Dutourd pourfend les mots nouveaux (souvent importés de l’américain et tombant ainsi dans le piège pourtant bien connu des faux amis), qui non seulement sont inutiles mais encore remplacent indûment tout un ensemble de mots existants qui permettaient d’exprimer des nuances.

Voici par exemple « privilégier » qui a pris le pas sur « favoriser » (alors même que la nuit du 4 août est censée avoir aboli les privilèges…) et « conforter », qui remplace souvent, à tort, « consolider », « raffermir », « fortifier », « renforcer », « soutenir », « corroborer », « étayer », « confirmer », « rassurer », etc. (page 26).

« Problème » n’est pas vraiment un néologisme inspiré de l’anglais, sauf quand il se répand dans des expressions comme « j’ai un problème » (au lieu de « j’ai une difficulté »), « un enfant à problèmes » (au lieu de « un enfant difficile »), « faire problème » ou « poser problème » (au lieu de « soulever une difficulté » ou même « tomber sur un os ») (page 33).

Jean Dutourd ironise en prédisant qu’un jour des personnes âgées (des « vieux »…) diront : « Au niveau de la sénescence, la durée fait problème »…

Il fait remarquer que les verbes « indifférer » et « insupporter » n’existent pas et que les expressions « Cela m’indiffère » (au lieu de « Cela m’est indifférent ») et « Cela m’insupporte » (au lieu de « Cela m’est insupportable ») sont tout simplement des barbarismes (page 42).

Le cas du mot « opportunité » est bien connu des lecteurs de ce blogue ; en américain, « opportunity » signifie « occasion » ; en français, l’opportunité est la qualité de quelque chose qui est opportun, c’est-à-dire qui arrive à point nommé ou qui vaut la peine d’être fait. Les ignorants (de l’anglais – ils sont nombreux par chez nous… –) traduisent « opportunity » par « opportunité » et tombent dans le piège du faux amis (page 43). Pire que cela, pour dire « occasion », ils disent « opportunité ». Ça fait moderne…

Mes lecteurs connaissent aussi « générer », que d’aucuns emploient à la place de « engendrer », « produire », « occasionner », « donner naissance », « faire éclore », « inventer »… toutes les nuances permises par le vocabulaire disparaissent si l’on utilise uniquement « générer ». Jean Dutourd nous apprend que c’est du psittacisme, qui consiste à répéter stupidement les mêmes mots parce qu’on les entend sans cesse (page 45).

Écoutons-le dans l’un de ses morceaux de bravoure – il dit mieux que moi ce que je pense – : « Entre le mot nouveau et le mot ancien, il faut faire l’effort de choisir le mot ancien, qui est à nous, qui appartient à notre âme. Par exemple, au lieu de « sécuriser », dire « rassurer » ; au lieu de « gratifiant », dire « satisfaisant », « doux au cœur », « agréable », voire « grisant » ; au lieu de « positionner », dire « expliquer », « situer » ou « définir » ; au lieu de « performant », dire « excellent », « supérieur », « de premier ordre », etc. » (page 54).

Il voit dans cette paresse linguistique généralisée un symptôme de colonisation.

Moi aussi.

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