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07/04/2016

« Nos mythologies économiques » (Éloi Laurent) : critique (I)

J’ai entendu Éloi Laurent, économiste de l’OFCE, dans la Matinale de Patrick Cohen sur France Inter ; il parlait de son livre « Nos mythologies économiques » (Les liens qui libèrent, 2016) de façon simple et convaincante ; je l’ai acheté.

L’économie est partout ; Régis Debray nous a dit que tout était formules et calculs aujourd’hui et Bernard Maris nous a alertés sur le fait que l’économie n’était que de la poudre aux yeux, du blabla pour journalistes et faux experts ; mais, bon, les décisions prises chaque jour au nom de l’économie (orthodoxe, c’est-à-dire néolibérale) par des politiques qui ne savent que suivre la doxa, ont un impact sur nos vies ; alors, autant y regarder de plus près et essayer de comprendre ; ça tombe bien, les économistes de tout bord ne se privent pas d’en parler et de l’écrire.

Éloi Laurent vient donc de publier un (tout) petit livre (103 pages pour 12 €) dans la même veine que l’inimitable et regretté Bernard Maris et aussi que Jacques Généreux ; il s’agit de démontrer que tout ce qu’on entend est « mythologique », que ça ne repose sur rien, que les journaux sont bourrés d’idées fausses et de préjugés sans fondement.

Le livre comprend trois parties très différentes : la mythologie néolibérale (finissante), la mythologie sociale-xénophobe (émergente) (sic !), la mythologie écolo-sceptique (persistante). C’est sur la première partie, la plus intéressante et la plus convaincante, que Éloi Laurent est intervenu sur France Inter.

« L’économie mythologique, nébuleuse de contes et de légendes à usage social, pollue donc le débat public ». Les citoyens sont mystifiés et les politiques envoûtés. Voilà la thèse.

Premier mythe : le marché spontané est asphyxié par les régulations publiques (l’État) et l’État est submergé par les marchés tout puissants. Démonstration : « Les promoteurs du prétendu libre marché ne réclament absolument pas la fin de l’intervention publique dans l’économie, ils demandent simplement que celle-ci soit détournée en leur faveur ». « C’est la puissance publique, en l’occurrence d’obédience socialiste, qui a organisé dans les années 1980 la libéralisation des marchés financiers… dans le but de financer sa dette publique sur des marchés ainsi rendus plus profonds. La mystification est complète lorsque, trente ans plus tard, l’État français, à nouveau d’obédience socialiste, entend réduire sa dette publique et sabrer dans les dépenses sociales au nom d’impératifs qui lui seraient imposés par les marchés financiers !... La puissance économique de l’État est parfaitement intacte, elle a simplement été mise au service d’une autre cause que le progrès social ». Imparable.

Deuxième mythe : il faut produire des richesses avant de les redistribuer ou plus exactement, priorité à l’efficacité sur l’égalité. « Les inégalités sont non seulement injustes mais elles sont tout autant inefficaces. Elles provoquent des crises financières. Elles substituent la rente à l’innovation. Elles empêchent l’essor de la santé et de l’éducation. Elles figent les positions sociales. Elles paralysent la démocratie. Elles aggravent les dégradations environnementales et nourrissent les crises écologiques ». Accablant.

Troisième mythe : l’État doit être géré comme un ménage ou une entreprise. Idiot car l’État agit dans le long terme, il doit investir et soutenir l’activité, surtout quand elle faiblit. Parler de faillite à son endroit n’a pas de sens car il dispose d’un actif (le patrimoine immobilier public par exemple) en face de son passif (la dette publique).

Quatrième mythe : les régimes sociaux sont financièrement insoutenables. En fait ils sont bien plus solides que les marchés d’actions et heureusement.

Cinquième mythe : il faut engager des réformes structurelles pour augmenter notre compétitivité.

On aura remarqué à travers mes extraits que l’argumentation de l’auteur est de moins en moins fournie à mesure qu’il avance dans la dénonciation des mythes. A-t-il voulu trop en faire ? 

(À suivre)

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