Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

10/11/2015

Sur quelques points de grammaire et de vocabulaire… (II)

Le livre de M. Courault "Manuel pratique de l'art d'écrire", paru en 1956, est une mine pour qui s'intéresse au français et à la correction de la langue, écrite en l'occurrence.

Cette année-là, il déplorait déjà "le recul rapide de la conjugaison du 3ème groupe au profit de néologismes barbares du premier ; le discrédit du subjonctif, même au présent ; l'ignorance des ressources offertes par le jeu des mots et des temps à l'expression concise de nuances fines ; la disparition du passé simple, l'inaptitude croissante à l'intelligence, donc à l'emploi, d'une construction inversée, d'une ellipse un peu vigoureuse, etc.".

Et encore : "Indigence et perversion du vocabulaire, recul des connaissances grammaticales et syntactiques".

"Nombre d'adolescents déjà tiennent le livre pour un moyen de culture désuet". Et dire qu'à l'époque, la télévision balbutiait et peu de familles possédaient un téléviseur. Pas de jeux vidéos, pas de téléphones mobiles, pas d'internet !

"Le dévergondage verbal de la Radio marque d'une estampille officielle de grossiers solécismes et des barbarismes offensants".

Bigre !

Le coup porté à la langue ne date pas d'hier. On le savait, évidemment ; mais la vitesse de propagation du mal a dû augmenté, malheureusement.

Mais, pour revenir à M. Courault, soulignons qu'il ne se contente pas de déplorer ; il a agi, à travers son livre, avec des convictions et une "méthode" : d'abord les commentaires cinglants du professeur ne suffisent pas à faire progresser ses élèves ; ils faut qu'il apprennent à connaître pour ensuite reconnaître leurs fautes ; ensuite, les exemples tirés des grands auteurs de la littérature les aideront à comprendre les évolutions de la langue et leur responsabilité quant au maintien de la "bonne langue" ; le gros du travail reviendra à l'élève, qui aura de nombreux exercices à faire, avec recours fréquent au dictionnaire ; la correction de la langue est une vertu négative, il faut y ajouter les mérites de la forme (le style…).

Et de commencer par les barbarismes : forger un mot nouveau sans nécessité ou employer un terme existant dans un sens contraire à tous les usages. L'origine peut en être une fausse étymologie, la paronymie (termes présentant des ressemblances de forme, comme rebattre les oreilles / rabattre sa prétention), la méconnaissance d'une forme ancienne (l'affaire est dans le lac / l'oiseau est pris dans un lacs) et l'ignorance pure (aéroplane / aréopage).

Le premier chapitre se termine par les néologismes : créer un mot nouveau pour désigner une chose ou une idée nouvelles. "Tout mot d'une langue a commencé par être un néologisme". Et même, "des termes communément employés par la langue parlée actuelle ont été d'abord des intrus mal accueillis par les grammairiens et les linguistes : exactitude fut, au XVIIème siècle qualifié de monstre ; Voltaire protesta contre égaliser ; l'académicien Royer-Collard dit, à propos du verbe baser : s'il entre, je sors".

Dans les années 70, les professeurs de français s'insurgeaient encore contre baser et imposaient l'usage de fonder. On peut sans doute donner le même destin à finaliser...

Victor Hugo a créé le mot moustachu, Flaubert le mot autopsier...

René Girard.jpg 

PS. René Girard, philosophe, anthropologue des désirs et de la violence, spécialiste de littérature et des religions, académicien français, est décédé le 5 novembre 2015 à Stanford (Californie) à 91 ans.

 

Les commentaires sont fermés.