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26/10/2014

Écrivains contemporains et langue française (II)

Jacques Laurent-Cély, né le 5 janvier 1919 à Paris, mort le 29 décembre 2000 à Paris, est un journaliste, romancier, et essayiste français, était Académicien depuis 1986, est à la fois l’auteur de « Les sous-ensembles flous » (1981) et de « Les bêtises » (prix Goncourt 1971), et, sous le pseudonyme de Cécil Saint-Laurent, des fameux « Caroline chérie » (1947), saga sous la Révolution française. Militant royaliste dans sa jeunesse, il devient ensuite anarchiste de droite ; son nom reste associé au mouvement littéraire dit des Hussards, avec Antoine Blondin, Michel Déon et Roger Nimier (source : Wikipedia).

Écrivain prolifique, polémiste, engagé politique, c’est aussi un personnage de roman. Dans ses derniers jours, Jacques Laurent demanda à son ami Christophe Mercier d’aller jusqu’à La Hune pour y acheter Le Vicomte de Bragelonne afin d’y affronter ce que ce passionné d’Alexandre Dumas refusait de lire depuis toujours : le récit de la mort de Porthos dans la grotte de Locmaria. Il la lut enfin et décida alors de prendre congé de ce monde…

 

Il a aussi écrit, et c’est là qu’il nous intéresse, « le français en cage » (1988), livre dans lequel il s’insurge contre les interdits abusifs de la langue française.

Comme on va le voir, sa position est en fait plus nuancée.

Je reproduis ici, quasiment in extenso, l’entretien qu’il avait accordé à un journal d’entreprise « La vie électrique ».

 

« Les interdits… parviennent presque à dégoûter les gens de leur langue et à conférer à ceux qui connaissent quelques-uns de ses pièges, une supériorité sur les autres.

… cet état de fétichisme dans lequel vit une partie du public, qui sentirait le français s’abîmer sous lui si on supprimait les quelques petits jeux de farces et attrapes qui émaillent notre langue.

 

Le principal danger qui menace le français est la détérioration de sa syntaxe, en particulier l’oubli du sens du subjonctif. C’est dramatique (sic).

 

Je suis aussi choqué en écoutant la radio et la télévision. J’entends fréquemment les expressions « au plan de » (au lieu de sur le plan de), « le midi » (au lieu de à midi), un médicament qui s’avale « par voie orale ou buccale » (au lieu de par la bouche)… c’est grotesque. Les journalistes ont une grande responsabilité car ils s’adressent à un large public.

 

Je suis cependant très indulgent avec l’orthographe… une faute ne me révolte pas. Voltaire, qui était un puriste en matière de construction de phrase et de choix de vocabulaire, disait : « L’orthographe, je m’en fiche, je laisse cela à mon imprimeur ».

 

Le français, actuellement (NDLR : en 1988), n’est pas vraiment en péril. Peut-être le sera-t-il en 1992, lorsque l’Europe se fera. L’anglais deviendra, si nous n’y prenons pas garde, la seule langue de communication (NDLR : quel don prémonitoire !).

Nous avons une espèce de docilité coupable envers les pays anglo-saxons, surtout les jeunes, qui préfèrent souvent une expression anglaise à une expression française.

Mais j’applaudis à l’arrivée de vocables étrangers qui nous manquaient et auxquels nous ne pouvions donner un équivalent (NDLR : c’est en partie contradictoire avec ce qui précède. Et où se situe la limite entre la docilité coupable et l’accueil reconnaissant ?). Entrer en lutte contre week-end est inutile.

Comme écrivain, j’ai un rapport privilégié avec la langue. En cas de doute, c’est le Littré que je consulte. Je le lis même par plaisir. Il est amusant de constater combien le sens des mots a évolué depuis le XIXè siècle.

Ainsi le mot dévisager signifiait : déchirer le visage avec les ongles et les griffes.

Glauque… désignait un beau vert mêlé de bleu.

 

… les écrivains peuvent, selon leur caractère, choisir de cultiver la concision ou la surcharge, la correction ou la négligence. J’avoue pratiquer les unes et les autres… Je me corrige très peu. J’écris d’un jet. En me relisant, j’ai tendance à faire comme Stendhal, à rajouter des mots et des phrases (NDLR : j’aurais écrit « à ajouter »). Flaubert, au contraire, coupait et recoupait dans ces textes pour être le plus concis possible. Je pense qu’un écrivain ne doit pas avoir envie d’être trop parfait (NDLR : si « parfait » est le maximum atteignable, on ne doit pas parler de « trop parfait » ; néanmoins, le plus-que-parfait existe… c’est une histoire à la Raymond Devos !).

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