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06/05/2017

"Bienvenue dans le pire des mondes ; le triomphe du soft totalitarisme" (Natacha Polony) : critique I

Natacha Polony 2017-1.jpgCe nouveau livre de Natacha Polony, co-signé par son Comité Orwell (du nom de cet écrivain britannique des années 50 qui a lutté contre les totalitarismes et dont l’ouvrage le plus célèbre, qui est devenu une référence du genre, est 1984) est un régal ! Je l’ai dévoré, et le nombre de « marques » que j’y ai insérées, un peu à la Pivot, dit assez l’ampleur de mon adhésion aux constats et aux propositions qu’elle fait. 

Quelle est donc la thèse de ce livre ? Que nos sociétés basculent insensiblement dans un totalitarisme mou (« mou » parce que les modalités du basculement ne sont pas des conflits armés mais le conditionnement par la technique, la finance, le divertissement. C’est le soft power choisi par les Américains pour maintenir et amplifier leur mainmise sur le monde). 

Grâce à cela, les élites mondialisées et quelques dizaines de multinationales – la plupart états-uniennes (les fameux GAFA) – entendent organiser, orienter, régenter notre vie quotidienne. Le diagnostic est sévère : « Les démocraties occidentales ont bel et bien commencé à s’affaisser sur elles-mêmes. Avec la déligitimation profonde de la notion de bien commun, le relativisme profond des valeurs et le règne sans partage du bon plaisir individuel, l’effondrement du niveau culturel et éducatif, la paupérisation d’une fraction croissante de la population, la montée des haines et des incompréhensions, c’est la concorde qui est minée de l’intérieur » (page 13 de l’édition Plon de 2016).

Avant de poursuivre, disons tout de suite que cette phrase, écrite par une agrégée de lettres, n’est pas un modèle de correction. Outre la répétition malvenue de l’adjectif « profond », je déplore l’orthographe du mot « déligitimation ». En effet, le dictionnaire Larousse en ligne orthographie « délégitimer » (et non pas « déligitimer ») dans le sens de
faire perdre à quelqu'un, à quelque chose sa légitimité morale. Quant au TILF, il ne connaît aucun de ces mots…

« Depuis plusieurs décennies, les pays occidentaux vivent une transformation majeure dont le but est d’imposer un modèle de libre-échange total et global, qui n’assume que difficilement son nom de baptême : néolibéralisme » (page 14).

Là encore, la forme est perfectible ! Classiquement, le verbe « vivre » n’est pas transitif, même si les psychologues et les journalistes nous ont habitués à des formules comme « l’avez-vous mal vécu ? »…

Mais bon, sur le fond, la cause est entendue, Natacha a raison.

« Jamais dans l’histoire, en effet, aucun pays ne s’est retrouvé dans la situation des États-Unis depuis 1991. Une puissance militaire telle que l’addition de la totalité des forces armées de tous les autres pays n’égale pas à la moitié de la leur » (page 15).

J’aurais écrit « n’égale pas la moitié de la leur » car il me semble que, pour le coup, le verbe « égaler » est transitif…

Natacha Polony 2017-2.jpg

Mais quant au fond, vous aviez perçu le rapport de force (militaire) à ce niveau de déséquilibre, vous, lecteurs ? Sidérant !

« Les mots ont un sens, la domination passant, on le sait depuis George Orwell, par la manipulation du langage. Si vous n’êtes pas pour l’ouverture, c’est que vous êtes pour la fermeture, le repli pour soi. Vous vous interrogez sur les conséquences des flux migratoires ? Vous êtes un xénophobe (…). Cette manipulation linguistique est encore plus marquée en France où l’on n’hésite pas à transformer les mots de la doxa anglo-saxonne (…). La globalisation, qui rime avec uniformisation, est la matrice du modèle social, économique et politique, inspiré de Milton Friedman (…).

La mondialisation, c’est autre chose. Personne ne peut y être opposé (…). La mondialisation, c’est l’échange dans la diversité. L’objectif n’est pas de faire disparaître les langues dans un sabir commun au rabais, le globish, mais de faire en sorte que le plus de monde possible parle le maximum de langues (…). Mais à une condition : que ces échanges ne soient pas faussés par les manipulations monétaires, le jeu des multinationales, la course au moins-disant, social, fiscal, environnemental. Or, c’est précisément cette dérégulation monétaire et cette quête du moins-disant qui sert depuis plus de quarante ans de base au nouveau cycle du capitalisme » (pages 16 et 17).

« La disparition des frontières, l’interdépendance et la communication constante, le divertissement permanent et planétaire, la standardisation et l’homogénéisation des modes de vie rendent la politique inutile et portent en germe un projet de gouvernement mondial. D’autres ouvrages ont déjà analysé comment se fabriquait le consentement, comment l’industrie du divertissement présentait une efficacité bien plus grande que n’importe quel système de coercition » (page 21).

« Il n’est pas anodin que la stratégie de Lisbonne prescrive à la fois la réforme des systèmes éducatifs et la libéralisation des services publics et des grands monopoles d’État comme l’énergie, les télécommunications ou les transports » (page 29). 

À suivre…

04/01/2016

"Nous sommes la France" (Natacha Polony) : critique (I)

« Si nous voulons vraiment que ce pays conserve sa dimension de patrie de l’universel, alors retrouvons cette fierté qui permettra à tous les citoyens de cette nation, sans exception, de répondre d’une seule et même voix, lorsqu’on leur demandera : Pourquoi une telle ferveur ?

Parce que nous sommes la France ! » 

Ainsi donc la Belle a publié son nouvel opus, au titre-manifeste : « Nous sommes la France » (Plon).

Contrairement à « Ce pays qu’on abat » (dont j’ai rendu compte largement), ce n’est pas un recueil de chroniques ; c’est une réflexion, un plaidoyer, un cri du cœur :

Réflexion ? c’est quoi cette France ?

Plaidoyer ? il faut transmettre pour la faire aimer !

Cri du cœur ? c’est une question de volonté !

Ce texte-fleuve de 213 pages, sans quasiment de chapitres ni de sous-titres, a été écrit pendant l’été 2015, à Azay-le-Rideau, à Saint Flour, à Calvinet, à Meyrueis, à Rocamadour, à Lacave, à Saint Céré (comme quoi quand on aime les mêmes lieux…) et autres communes de la belle France, avant les attentats de novembre, et terminé « près de la place de la République »… c’est bien le livre de l’année !

Une première conviction : la France, multi-ethnique depuis plus d’un siècle, n’était pas et ne doit pas devenir multi-culturelle. Sa tradition, contrairement au modèle anglo-saxon qui fait cohabiter des communautés, chacune avec sa culture, est de réunir tous ses citoyens autour de valeurs communes – chacun pouvant garder dans son espace privé tout ou partie de sa culture d’origine – et de former ainsi une seule communauté nationale.

Ensuite la France est magnifique ! Nous n’y sommes pour rien, nous autres Français, c’est comme cela ; les 90 millions de touristes qui viennent la voir chaque année ne s’y trompent pas ! Question de géographie, de paysages Cordes sur Ciel.jpgvariés, « de tuiles plates et de tuiles rondes », de climat tempéré aussi… Mais il faut la faire aimer à nos enfants car manifestement les jeunes Français qui ont tiré sur leurs compatriotes de leur âge, en novembre 2015, ne l’aimaient pas.

L’école a un rôle majeur à jouer dans la transmission de notre patrimoine historique et de nos valeurs. Or notre école républicaine est l’une des plus inégalitaires d’Europe ! Foin des activités pour distraire des jeunes qui disent s’ennuyer, foin des projets interdisciplinaires autour de disciplines non maîtrisées, revenons à la transmission des savoirs et à la nécessité de l’effort.

La société de consommation n’aide pas, avec son horizon indépassable de la date des prochains soldes et de la sortie du nouveau téléphone mobile. Proposons des sommets un peu plus exaltants !

Au total, c’est une question de volonté, dit Natacha Polony.

Et moi, je suis bien d’accord.

03/12/2015

Natacha est de retour !

À l'occasion de la sortie de son nouveau livre, Natacha Polony a été invitée à débattre avec Alain Minc dans le "Marianne" du 27 novembre 2015.

Voici ce qu'il dit :

"… Nous héritons d'un merveilleux instrument que vous n'avez pas évoqué, notre langue française, moins rationnelle que l'allemand, moins romantique que le russe, mais beaucoup plus subtile que la plupart des autres".

Et voici ce qu'elle lui répond, à propos des langues, à la fin de l'entretien :

"Vous n'arrêtez pas de louer la langue française pour ses performances et ses bons chiffres de diffusion.

Ma position est plutôt que toutes les langues méritent identiquement d'être défendues car elles participent de la diversité humaine. Si je souhaite préserver le français, c'est par attachement à la vision du monde dont il est le vecteur.

De même, je ne souhaite pas défendre la France pour ses résultats économiques ou son degré d'adaptation à la mondialisation mais parce qu'elle représente un moment essentiel de la conscience humaine.

Natacha Polony Europe 1.jpg

Je ne plaide pas pour un réenracinement ou un retour en arrière ; je m'appuie sur les conceptions universalistes qui sont celles de la France. Ce n'est pas à l'ouverture que je m'oppose mais à la globalisation et à l'uniformisation.

Dans le monde contemporain, le diversité des peuples et des climats s'efface derrière le culte stérile de la performance".