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17/06/2019

Nouvelles du front (linguistique) X

Lu dans Le Figaro.fr le 24 mai 2019, cet article de Claire Conruyt, rapportant une information du quotidien The Times, reproduisant lui-même un avis de l’agence de recrutement Indeed (ouf !) : les employeurs britanniques exigent plus souvent la maîtrise de l’allemand que celle du français lors de leurs recrutements.

Et la journaliste de parler de « désamour du français au profit de l’allemand » et d’en imputer la cause à la situation économique britannique, elle-même conséquence du Brexit annoncé (et encore jamais acté)… Évidemment ! On nous refait le coup du référendum de 2005, non plus pour nous faire accepter un projet de constitution néo-libérale mais pour nous empêcher d’imaginer quitter un jour cette Union européenne où il fait bon vivre.

Mais quels sont les chiffres ? « Sur un million de postes, 1 221 avaient pour condition la maîtrise de l’allemand. En deuxième position venait le français : soit 1 152 postes ». Si l’on compte bien, cela fait une différence de 69 postes, sur 1M, soit 0,007 % ! N’est-ce pas une tempête dans un verre d’eau ?

Plus inquiétant peut-être est la dynamique : « +11,6 % ces dernières années pour les postes exigeant l’allemand, contre seulement +1,2 % pour celles exigeant le français ». Comme on le voit, la statistique est précise...

Mais notre journaliste semble siffler la fin du match sur un score nul puisqu’elle note : « L’étude des options allemand et français dégringole. Comme le précise The Times, le nombre d’élèves britanniques préparant le GCSE ou le A-level – des examens qui ont lieu au cours des deux dernières années de leur éducation secondaire – a baissé d’un tiers par rapport à 2013. Entre 2017 et 2018, l’étude des options allemand et français a baissé de 29 % ». Bon, les Anglais, peu gourmands de langues étrangères car n’en ayant pas besoin et les apprenant de moins en moins, au moment de quitter un espace où ils les entendaient de temps à autre, est-ce vraiment une surprise ?

Finalement le plus intéressant dans cet article, ce sont les commentaires de quelques-uns de ses lecteurs ; certains calculent les pourcentages, relativisent, trouvent l’article mal construit, peu convaincant et son titre racoleur et alambiqué, tandis que la plupart s’auto-flagellent, accusent nos gouvernants (surtout socialistes !) et justifient, en citant Schopenhauer, les moqueries dont la France serait l’objet en Europe.

Concernant la qualité de l’article, on ne peut que leur donner raison car il est loin de respecter aussi bien la structure thèse-antithèse-synthèse qu’un squelette QUI-QUOI-QUAND-COMMENT et encore moins la logique d’une démonstration… C’est « en vrac ».

Et c’est sans parler de la typographie dont la journaliste (ou ses relecteurs) semble ignorer les règles minimales : un espace (insécable) avant « : » et avant « % », un espace (insécable) avant « et après », pas d’espace avant « . ».

13/06/2019

L'exploitation des Aéroports de Paris est un service public : votez (dans le cadre du RIP) !

Le site du Ministère de l'Intérieur exigé par le Conseil constitutionnel pour recueillir l'avis des Français sur la proposition de loi déposée par des Parlementaires est ouvert et fonctionne !

Pour voter, c'est (assez) simple ; connectez-vous au site officiel :

 
Se munir de sa carte d'identité ou de son passeport car il faut décliner et prouver son identité (c'est un vote officiel, comme dans un bureau de vote ; il est donc normal que des précautions soient prises contre la fraude et le "bourrage d'urne" informatique).
Il suffit de deux minutes et quelques clics.

Cela étant, le fait que la liste des votants reste consultable par tout un chacun pendant les neuf mois de la consultation, que le site recueille l'identité complète des votants (quid du piratage ?) et que les sanctions en cas de fausse déclaration soient répétées avec un luxe de détail quasiment à chaque page tout au long de la procédure de vote (appelé ici "soutien à la proposition") peut laisser penser que, le Gouvernement étant hostile par construction à ladite proposition, il n'a pas hésité à multiplier les obstacles qui pourraient décourager les hésitants et les craintifs (et ceux qui refusent le compteur communicant Linky, de peur de voir leurs données de consommation électrique piratées).

Quoi qu'il en soit, il faut que nous soyons 4,7 millions en mars 2020 à avoir apporté notre soutien.

Utilisons les outils démocratiques (première utilisation du RIP) ! Exprimons-nous !

Mettons un coup d'arrêt à la privatisation des Services publics !

Votez !

"Washington Square" (Henry James) : critique

On distingue trois phases (et trois manières) dans la production romanesque de Henry James (dixit Wikipedia) : la première culmine avec « Portrait de femme » et inclut « Les Bostoniennes » et « Washington Square » (1880) ; la seconde voit la publication de « Ce que savait Maisie » (1897), à la construction beaucoup plus complexe, que nous avons déjà commenté dans ce blogue ; enfin la dernière, avec « Les ailes de la colombe » (1902), qui fait partie d’une trilogie, celle de la maturité littéraire. Par hasard, j’ai donc sous la main un roman de chacune des trois phases.

« Washington Square » est un roman classique, linéaire, à la construction simple. Il fait irrésistiblement penser à Balzac et, plus particulièrement à « Eugénie Grandet » (1834). Dans sa préface à l’édition du Livre de poche de 1962, Pierre Martory analyse les ressemblances et différences entre ces deux œuvres, analyse intéressante qu’il serait trop long de reproduire ici.

L’histoire est simple : Catherine, fille du docteur Sloper, est plutôt disgracieuse mais bien qu’elle représente un bon parti à cause de la succession de sa mère et surtout de la fortune dont elle héritera de son père, les prétendants ne se bousculent pas. Sauf Morris Townsend, cousin du futur mari de sa cousine, dont elle s’entiche au premier coup d’œil et qui semble lui aussi épris. Mais le père de Catherine voit tout de suite en lui un coureur de dot, au passé douteux et au manque de courage pour se faire une situation ; il s’oppose avec obstination, cynisme et ironie au projet de mariage des deux jeunes gens, tout en laissant une certaine liberté à sa fille. Sa pression est psychologique et aussi financière puisqu’il menace de déshériter sa fille en cas de mariage. Au contraire la tante de Catherine, Mme Penniman, s’investit dans le projet, protège les amoureux et devient l’avocat acharné de Morris. Elle intervient dans leur relation et prodigue conseils et confidences. Un beau jour, Morris se dédit et quitte New-York, pour revenir vingt ans plus tard frapper à la porte de Catherine. Celle-ci n’a rien oublié et n’a pas pardonné sa trahison alors même qu’elle avait sacrifié à leur amour à la fois l’admiration pour son père et son héritage. On comprend qu’elle restera vieille fille…

Dans ce huis clos, les personnages sont peu nombreux : le médecin, sa fille, ses deux sœurs et le prétendant. Leurs caractères sont bien étudiés ; Catherine et son père, chacun sur sa ligne, sont aussi obstinés l’un que l’autre, aucun d’eux ne lâchera. Quant à Morris, il subsiste jusqu’au bout un doute sur ses motivations réelles ; en voulait-il exclusivement à l’héritage de Catherine et sa promesse d’une vie facile de rentier ? Cela semble le cas mais ses sentiments étaient peut-être sincères… La vieille tante, veuve fantasque et romanesque, ajoute ses lubies au désordre, et vit une sorte de passion par procuration ; elle m’a fait penser à Marie Pouquet, la mère de Jeanne, fiancée de Gaston Arman de Caillavet (voir mes billets sur la trilogie familiale de Michelle Maurois).

La traduction de Camille Dutourd est excellente et convient parfaitement au style de ce roman classique facile à lire. Voici les passages, peu nombreux, que j’ai isolés pour leur intérêt orthographique ou grammatical.

« Quelles sont ces choses que tu as promis de me dire ? » (page 42). Ici le COD de « promis » est « de me dire » et non pas « ces choses » ; c’est pour cela que « promis » ne prend pas la marque du pluriel. Ne pas confondre, évidemment, avec « Quelles sont les choses que tu as promises ? ».

« On aurait dit une maison de poupée géante, tout nouvellement sortie d’un magasin de jouets » (page 95). Encore une fois, le mot « tout » dans sa signification de « entièrement », et donc invariable, mais ici suivi d’un autre adverbe « nouvellement »… Le seul adjectif, qui s’accorde avec le sujet (« maison de poupée »), est « sortie ».

Dans le même paragraphe, on trouve : « il y avait devant la maison une toute petite cour » ; l’adverbe « toute » ne prend un « e » que pour l’euphonie, le mot suivant (l’adjectif « petite ») commençant par une consonne.

Page 176, un mot rare : « au lieu d’être le courantin de quelque patron ». Le TILF ne nous dit rien de ce mot ; mais c’est mon Larousse en deux volumes de 1922 qui explique : « Personne que l’on emploie pour faire des courses ».

Au total « Washington Square » est un bon roman, une bonne « étude de cas » dans le New-York de la fin du XIXème siècle ; à garder et à recommander, sans doute pas à relire.