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14/12/2017

"Souvenirs d'une ambassade à Berlin" (André François-Poncet) : critique V

Après avoir résumé les idées-forces, les piliers de l’idéologie hitlérienne (racisme, antisémitisme, antiparlementarisme, antimarxisme, anti-internationalisme, etc., et anti-masses populaires allemandes !), André François-Poncet aborde la question du Parti et de son rôle central.

« La tâche principale de la révolution sera de renationaliser la masse, de la rééduquer politiquement, pour qu’elle devienne un instrument valable entre les mains de son chef.

Cette tâche est celle du Parti. Le Parti, c’est l’élément dynamique, le moteur de la révolution. Il veille à ce qu’elle garde son élan, qu’elle ne s’arrête jamais, qu’elle reste un mouvement, une force perpétuellement en marche (…). Une bonne propagande populaire est celle qui s’adresse moins à l’intelligence qu’au cœur, à l’imagination, et qui pousse la foi jusqu’au fanatisme, le fanatisme jusqu’à l’hystérie ; car l’hystérie est éminemment contagieuse (…) Plus de libéralisme ! Le nouveau Reich, le IIIème Reich, sera totalitaire. Il n’admettra pas l’existence d’autres partis, à côté du parti national-socialiste. Il éliminera ses adversaires » (page 75).

N’est-ce pas troublant de lire cela en 2017 ? 

Tout ce chapitre « L’idéologie hitlérienne » est remarquable de clarté, de pertinence, de lucidité, d’esprit de synthèse, de qualité littéraire et rhétorique. 

Il se termine par la description de l’autre facette, tout aussi effrayante, du mouvement national-socialiste : la violence des Sections d’Assaut (SA).

« Rarement s’est rencontré semblable aveuglement politique ! Rarement ont été accumulées autant d’illusions, autant d’erreurs psychologiques ! Hitler et ses partisans, qui n’avaient pas camouflé leurs idées, n’avaient pas non plus laissé de doutes sur leur façon d’agir, leurs méthodes et leur mentalité. Ils avaient, depuis longtemps, inauguré en Allemagne le règne de la brutalité. Le secret des premiers succès du Führer, c’est qu’il s’était avisé, à Munich, dans les débuts de sa propagande, de recruter des équipes de gaillards prêts à tout, qui, à coups de poings et de nerfs de bœuf, expulsaient des réunions publiques les contradicteurs ou assommaient, dans leurs propres réunions, les socialistes et les communistes. Ce fut l’origine des Sections d’assaut. Depuis lors, celles-ci avaient développé leurs mœurs de gangsters, multiplié les agressions, semé la menace et la terreur dans le pays et commis des crimes odieux (…). L’arrivée de leur chef au pouvoir changera-t-elle en agneaux ces loups, qui annoncent que des têtes vont rouler et que la première nuit de la révolution sera la nuit des longs couteaux ? (…) Le prisonnier que les Barons se vantent d’avoir enfermé à la Chancellerie sous leur garde, est plus fort qu’eux ? Tels seront pris, qui croyaient prendre. Ils ont introduit Hitler dans la place » (page 88). 

« Cependant, Hitler, à peine installé à la Chancellerie, déploie une extraordinaire activité. Avec une promptitude, une résolution, une sûreté de soi étonnantes, et qui, d’ailleurs, n’excluent ni l’habileté ni la ruse, il exploite à fond sa victoire (…). Il bouscule, il bouleverse l’état de choses existant. Il culbute les obstacles, il multiplie les mesures législatives de la plus grande portée ; dans tous les domaines il amorce la réalisation de son programme. C’est ce que le public appellera l’Umbruch, le renversement, le chambardement (…). Mais le peuple allemand ne s’y trompe pas. Dans sa majorité, il est moins choqué que séduit par tant d’élan et d’audace. Il frémit, comme un cheval qui a, soudain, senti la poigne et les éperons de son maître » (page 90). 

Encore aujourd’hui l’élan et l’audace séduisent…

11/12/2017

Afrique et France : enfermée dans le giron linguistique francophone... vraiment ?

Après tous ces éléments à charge, MM. Mbembé et Sarr abordent un autre thème, dans leur article du Monde du 27 novembre 2017, sous le titre « Enfermés dans le giron linguistique francophone ».

Ce chapitre commence par reconnaître qu’il ne faut pas « faire de la France le bouc émissaire de tant de malheurs que nous (les Africains) aurions pu éviter » ni « lui octroyer davantage de pouvoir qu’elle n’en a véritablement dans nos affaires » car « elle ne dispose guère de la capacité de nous faire faire n’importe quoi, et surtout contre notre gré ». Et c’est là la faiblesse de la diatribe : la France est-elle un monstre en Afrique, oui ou non ? 

« La majorité des Africains n’attend plus grand-chose de la France. Il reste à faire le pas suivant, c’est-à-dire comprendre qu’il n’y a rien à attendre du reste du monde que nous ne puissions nous offrir à nous-mêmes ». Même s’il semble aujourd’hui présomptueux, ce programme est sage et lucide. (Une fois de plus, déplorons ce travers journalistique qui consiste à extraire une phrase de son contexte – et même à en modifier le sens – dans le seul but d’en faire un titre accrocheur ou provocateur ! Même « Le Monde » fait cela, en l’occurrence il a titré : « Africains, il n’y a rien à attendre de la France que nous ne puissions nous offrir à nous-mêmes » ; ce n’est pas ce qu’ont écrit MM. Membé et Sarr !).

C’est le tournant de l’article pour nous car on en vient aux questions de langue, en l’occurrence au français, ce qui nous intéresse au premier chef.

« Une bifurcation culturelle s’esquisse parmi les élites. Elle oppose désormais ceux qui sont enfermés dans le giron linguistique francophone à ceux qui en sont sortis. Ces derniers parlent d’autres langues (l’anglais notamment) et s’inscrivent désormais dans d’autres faisceaux d’intérêt et de sens ». Bon vent à ceux-là qui ont choisi le giron anglo-saxon ! Ils verront bien à terme s’ils ont gagné au change. L’herbe est toujours plus verte ailleurs… 

« Les rapports franco-africains postcoloniaux reposent sur très peu de valeurs que la France et l’Afrique auraient en partage ». 

« Le processus de décolonisation de l’imaginaire africain est en phase d’accélération ». 

C’est clair, ces deux-là demandent le divorce, tout en déplorant que « la rente de circulation (visas, bourses, possibilités d’aller et de venir et autres facilités) » se tarisse ! Le beurre et l’argent du beurre ?

Toutes proportions gardées, cela me fait penser à l’ouverture du marché français de l’électricité au cours des années 2000 : les plus vindicatifs à se plaindre du monopole de l’opérateur historique ont été aussi les plus plaintifs de ce que ce dernier, tout à coup, ne donnait plus rien gratuitement et ne fonctionnait plus à livres ouverts…

Et nos auteurs de proclamer, exactement comme en Occident, « le désir irrépressible de mobilité, le refus des frontières et la revendication, y compris transgressive, d’un droit inaliénable à la circulation ». Ben voyons, « le bonheur si je veux ! ». 

Comme souvent, c’est la conclusion qui pèche… trop courte, subitement trop bienveillante (après trois pages de récriminations) et béatement optimiste. On nous parle tout à coup de « la densité des rapports humains, de la somme des vies communes, des visages d’hommes et de femmes, tissées au long de quelques cycles de cohabitation ». Et tout à coup, la langue, « ce bien commun et en supplément » redevient aimable, à condition d’être « dénationalisée et dé-francophonisée afin d’en faire une langue-monde », tandis que « la réinvention des rapports entre la France et l’Afrique n’a de sens que si ces rapports contribuent à une nouvelle imagination du monde et de la planète » ; rien que cela ! On a envie de dire : pourquoi nous ? 

En passant, on découvre une affirmation péremptoire : « Les arts du XXIème siècle seront africains »… Ah bon ? Je croyais qu’ils émanaient plutôt de New-York, de Berlin ou de San Francisco… 

Et pour conclure moi-même, je dirai ceci :

Nos auteurs parlent de l’Afrique, comme si elle n’avait qu’une seule voix… Mais c’est un continent ! Y a-t-il vraiment une Afrique ?

Et un continent qui se déchire et doit surmonter des guerres intestines ! Est-ce vraiment le combat prioritaire que de s’attaquer à la France et d’en rester au colonialisme et au post-colonialisme ?

Enfin l’Afrique a besoin (comme tout le monde) d’alliés ; est-ce le moment de se fâcher avec ses proches ?

09/12/2017

Jean d'O. en aurait souri... maintenant il s'en fiche

Charles Trénet, poète, compositeur, chanteur, ce monument de la chanson française, est mort en 2001 dans une relative indifférence… (me semble-t-il, car à ce moment-là j’étais échoué sur un bateau de croisière quelque part dans les Antilles françaises).

Claude Nougaro, ce fut bien pire.

La disparition de Michel Delpech fut célébrée avec émotion, sobrement.

Seul Jacques Brel eut droit à la sidération et à l’emphase médiatiques, qui durent encore, à juste titre, quarante ans après sa mort, vu la personnalité et les talents hors du commun de ce peintre inimité des « petites gens ».

Notre Jean d’O., lui, normalien et Académicien précoce, tellement attachant, modéré et surprenant dans ses prises de position, et à défaut d’avoir atteint la cheville de son idole, Chateaubriand, a failli monopoliser les feux de la rampe et l’attention exclusive des médias pendant des jours et des jours…

Hélas la Faucheuse a choisi de le faire doubler in extremis par un champion toutes catégories de l’insubmersibilité et du déchaînement des passions populaires (est-ce un hasard si je ne trouve sous ma plume que des mots anglais pour parler de cela : people, fans, groupies, bikers, etc. ?). D’aucuns évoquèrent une entrée au Panthéon et même une martingale Victor Hugo – Charles de Gaulle – Jean-Philippe Smet ! Le chagrin, sûrement ; ou plutôt le relativisme forcené.

Et la disparition de Jean d’O. passa au second plan, électoralement c’était plus rentable…

C’est comme les maisons ; une magnifique maison dans l’absolu, si elle est sise dans un marché immobilier faible ou inexistant, sa valeur est quasi-nulle ; et vice versa, un marché qui achète tout, paiera tout cher, même les croûtes…

Jean d’Ormesson avait de l’humour, ses yeux bleus auraient pétillé !

 

(Voir mon billet sur deux livres de Jean d'Ormesson : Au plaisir de Dieu - Comme un chant d'espérance)