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14/09/2023

"Confession d'un hétérosexuel légèrement dépassé" (Frédéric Beigbeder) : critique I

En 2023, quatorze ans après « Un roman français », Frédéric Beigbeder publie « Confession d’un hétérosexuel légèrement dépassé » (Albin Michel), sachant que deux des chapitres de ce livre avaient déjà paru en 2021 et 2022. L’auteur nous livre cinq confessions : Moi aussi, je suis une victime, Adieu la coke, Le refuge, Un chaos structuré et Un désir effrayant.

Cela commence par sa maison et sa voiture « taguées », et son traumatisme d’avoir assisté à une attaque à main armée au bar du Ritz, qu’il relie au diagnostic de diabète qui a suivi. Le problème avec F. Beigbeder, c’est qu’il mélange tout : ses prises de position libertaires, ses ennuis de santé, ses démêlés avec son assureur, avec les féministes et les wokistes, sa carrière médiatique, son comportement en tant que juré de Cour d’assises, ses conseils aux femmes agressées, les déclarations graves, les protestations de féministe convaincu et les traits d’humour, les détails sur sa vie privée et sa propre victimisation d’enfant… Mais au moins, dans ce livre, il ne parle pas de roman, « il souhaite dialoguer, débattre et faire la paix, afin que plus personne ne vienne cultiver mon jardin avec des bombes de peinture indélébile » (page 34).

Dans « Adieu la coke », il raconte son expérience de cocaïnomane repenti… Certaines phrases résonnent terriblement : « La démocratisation de ce produit a pris quatre décennies et aujourd’hui le briseur de soucis cher à Freud est partout, dans les campagnes, dans le milieu ouvrier, à moindre coût, coupé au laxatif, aux amphétamines… Le glamour s’est envolé, il ne reste que ses ravages : overdoses, dépressions nerveuses, infarctus, AVC, cancers de l’estomac ou du côlon, chômage et violences conjugales, trafics à l’arme lourde et peines de prison ferme. La coke a pénétré la France périphérique ». Et, comme toujours chez Beigbeder, avalanche de lieux dits branchés (les Bains…) et de vedettes d’ici et d’ailleurs : De Niro, Polansky, Keith Richard, Françoise Sagan et « Mon sosie Pierre Palmade a parfois annoncé trop tôt sa victoire » (pages 44 et 45).

Pour autant, plusieurs pages méritent d’être lues. Par exemple : « La cocaïne est une métaphore assez exacte de l’addiction de l’humanité au pétrole. On sait que c’est mal, que ça nous détruit, mais au moment de faire le plein d’essence, on pense à autre chose. L’être humain est très doué pour se sentir coupable… sans changer de vie. Ma décision de quitter Paris en 2017 fut mûrement réfléchie. En m’éloignant des tentations, j’ai peut-être sauvé ma vie » (page 46). « J’ignore pourquoi je n’ai jamais complètement plongé : un mélange d’éducation provinciale, de culpabilité catholique, de trouille d’hypocondriaque et de discipline littéraire ? Chaque jour, je voulais écrire, malgré tout. La littérature m’a peut-être protégé (…) » (page 47).

Il s’aperçoit en 2005 que la prise de cocaïne n’est plus « à la mode » et il arrête au milieu des années 2010 par ennui : « Il existe de meilleurs procédés pour lutter contre l’ennui : le vin de Meursault, les romans, le jardinage… » (page 51). « Depuis 2013, la coke n’est plus un attribut d’ascension sociale, plutôt un symptôme de la fin du capitalisme » (page 52). Un peu contradictoire tout de même avec l’assertion plus haut qu’elle s’est diffusée partout…

Beau plaidoyer de repenti en tous cas, aux images fortes : « La réalité n’est pas toujours palpitante, et l’on aimerait tous être quelqu’un d’autre, de meilleur, mais soi-même est le seul endroit où l’on peut habiter. On ne déménage pas du monde réel ; there is no planet B ». Reste à savoir s’il est de nature à convaincre les plus jeunes de ne pas faire ce qu’il a fait mais de faire ce qu’il dit…

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