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27/08/2023

Revue de presse linguistique

À l’heure des rentrées politiques (les fameuses Universités d’été…) et en attendant les rentrées scolaires, puis universitaires, je reprends mon clavier et mon traitement de texte après un silence de plusieurs semaines (les fameuses vacances…) en me disant d’abord que mon rythme de publication a sérieusement baissé depuis deux ans, ce qui n’est pas le cas de mon rythme de lecture. À cela deux raisons : la première est que l’analyse de romans ou d’essais et sa mise en forme par écrit « dans la foulée » de leur lecture induisent une astreinte difficile à maintenir dans la durée. Comme aurait dit Stendhal, le lecteur sera toujours plus motivé de lire que le critique d’écrire ses billets ! Et malheureusement, le lecteur chez moi oublie vite ce qu’il a lu.

La seconde est que l’on trouve sur internet, dans les réseaux dits sociaux, d’excellentes analyses, érudites et fouillées, écrites par « des gens du métier » (écrivains, enseignants en littérature, etc.). Je pense à Frédéric Borne-Sogno, Floriane Z., Jean-Philippe de Garate, Marc Lefrançois et beaucoup d’autres, qui sont intéressants et impressionnants par la qualité de leur production et l’étendue de leurs connaissances. Et cela ne se limite pas à des avis sur L.-F. Céline ou Claude Simon mais touche également à l’orthographe, à la syntaxe et même à la culture générale… De là à se dire que la période des blogues est passée et que, métaphoriquement, il faut tourner la page, il n’y a qu’un pas ! Que je ne franchis pas pour le moment mais il faut dire que le réseau permet une interaction immédiate avec de multiples lecteurs et que la rédaction des billets y demande quand même moins de temps que pour un blogue.

Cela étant dit, je reprends ma revue de presse épisodique avec deux articles du journal Marianne du 24 août 2023.

Le premier est signé par Garance Meillon, scénariste, réalisatrice et écrivain, et compare les librairies aux églises, dans la mesure où elle a constaté qu’on y baissait pareillement la voix. Pour elle il s’agit de deux lieux chargés de fiction, dans lesquels « il faut se taire pour laisser les mots faire leur travail », « s’extraire de la réalité », « pour se retrouver hors de soi ». Elle aime donc les librairies, comme les musées, en ce qu’ils lui permettent de « rejoindre le grand silence ». Qu’en termes poétiques ces choses-là sont dites… J’avoue qu’en ce qui me concerne, j’entre dans une librairie pour découvrir des livres, récents mais surtout classiques, dénombrer ceux que j’aimerais avoir dans ma bibliothèque et céder parfois à la tentation d’en acheter un ou deux. Ce n’est pas le silence qui m’intéresse, c’est de voir toute une culture à disposition (des centaines de livres), c’est d’imaginer le plaisir que j’aurais à découvrir de nouvelles histoires, de nouveaux drames, de nouveaux paysages, de nouveaux personnages. Mme Meillon utilise, pour conclure, cette expression qui a le don de m’irriter : « une façon d’être au monde », qu’il conviendrait « de cultiver dans une société qui privilégie le sans-contact »… Mais qu’est-ce donc qu’un livre, sinon du sans-contact ?

C’est le linguiste Alain Bentolila qui signe le second, sous le titre « Le destin d’une langue de se décrète pas ». Je le crois volontiers. Mais je pensais que M. Bentolila allait nous parler des langues régionales en Europe ou bien des déformations que certaines militantes féministes ont la prétention d’imposer à notre langue, selon leur bon plaisir… Non, il nous narre une initiative, pour moi abracadabrante, des années 70, qui a consisté à vouloir imposer un créole officiel et administratif à la population d’Haïti, « administrée en français » mais dont c’était la langue parlée quotidienne. En somme, l’inverse de ce qu’avaient fait les Hussards noirs de la République en métropole, sachant que les idiomes créoles, pour pittoresques qu’ils sont, sont tout de même extrapolés du français, ce qui n’était pas le cas du picard ni de l’occitan. Et notre auteur d’expliquer, comme une découverte de sa part, qu’une partie de cette population avait bien conscience que ce créole ne serait pas une langue efficace pour protester contre leur condition, même si le français était – et justement parce ce qu’il était – la langue du colonisateur ! On ne peut qu’être d’accord avec eux. La maîtrise du français, langue internationale, ne constitue-t-elle pas un atout précieux de nos jours ? M. Bentolila conclut donc : « Si l’on n’est pas capable de transformer en profondeur les structures sociales, économiques et culturelles d’une région ou d’un pays, il faut se garder d’introduire à l’école une langue minorée comme langue d’enseignement. Cela relève de la supercherie ; car l’école est le lieu où l’on forme intellectuellement des enfants à affronter le vrai monde ».

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