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31/01/2022

"Galigaï" (François Mauriac) : critique

François Mauriac (1885-1970), Académicien français depuis 1933, Prix Nobel de littérature en 1952, a écrit d’innombrables romans « psychologiques », dans lesquels, écrivain catholique, il met en scène, sur un fond de vie bourgeoise et provinciale, la lutte éternelle entre le bien et le mal, entre la conscience et les pulsions, entre « ce qui ne se fait pas » et « ce que l’on veut faire néanmoins ». Il a aussi publié des recueils de poèmes et des pièces de théâtre, avant de devenir un chroniqueur redoutable et redouté dans l’Express et le Figaro, dans son fameux Bloc-note.

À propos de « Galigaï », il a écrit, dans une postface, que c’était la lutte entre le désir et le dégoût… Les critiques avaient quant à eux établi depuis longtemps que, même si le cadre de ses romans était le Bordelais, sa région d’origine, Mauriac n’était pas un écrivain « régionaliste » mais qu’au contraire il traitait de l’universel, les passions humaines. Ils ont noté aussi – et certains lui ont reproché – que sa foi catholique n’en avait pas fait un écrivain militant ni prosélyte ; à tel point que, dans la postface susnommée, il s’en justifie et, à titre de preuve, cite la dernière phrase du roman : « Étranger à lui-même, détaché de toute créature, il s’assit sur le parapet, et il demeurait là comme s’il avait donné rendez-vous à quelqu’un » (page 159 de l’édition du Cercle du bibliophile, date de publication inconnue) et nous prie de bien vouloir comprendre que ce quelqu’un, c’est Dieu…

François Mauriac nous indique aussi comment il a construit son intrigue, à partir de quelles observations (datant de l’adolescence) et nous la résume : « la répulsion d’un jeune être traqué par une amazone persuadée de la toute-puissance de la volonté, même en amour ». J’avoue que, sur un thème assez proche, je préfère « La vieille fille » de Balzac.

Drôle de pratique au total que la postface, qui conduit l’auteur à nous indiquer ce qu’il faut retenir de son roman et que peut-être nous n’aurions pas compris !

Revenons à ce court roman : écrit dans un style sobre et ramassé, il se lit vite mais qu’en retirons-nous ? Peu de choses en vérité. Les personnages, décrits a minima, sont sans consistance ; aucune description des lieux, le décor semble n’avoir aucune importance ; l’époque non plus… ; on veut évidemment savoir comment se terminera cette intrigue fomentée par des intérêts qui semblent convergents (Gilles et Marie partagent le même désir de convoler ; Agathe veut faire de même avec Nicolas, mais lui n’éprouve malheureusement que dégoût envers elle ; comme elle est le chaperon de Marie, elle négocie le rapprochement avec Nicolas en fermant les yeux sur l’idylle entre les deux autres).

Tout cela est excessivement pudique, seuls quelques baisers furtifs sont évoqués, l’essentiel n’est pas là… D’une certaine façon, ce huis-clos se termine bien, même pour Agathe, femme complexée par son physique mais dotée d’une opiniâtreté et d’un cynisme à toute épreuve. Excessivement pudique ai-je écrit… Est-ce une raison pour qualifier ce roman de « suranné », de « dépassé », de « démodé » ?

Pas du tout car ni « La princesse de Clèves » (Mme de La Fayette) ni Manon Lescaut (Abbé Prévost, 1733), pour ne citer que deux exemples de roman psychologique, ne sont démodés ni surannés, alors que bien évidemment les mœurs ont évolué et même changé du tout au tout.

Non, c’est que Galigaï est trop fade, trop désincarné, trop « hors sol » dirait-on aujourd’hui, pour nous toucher et nous émouvoir.

Dernier point : que signifie le titre du roman ? C’est le surnom donné à Madame Agathe, par allusion à Léonora Dori, une intrigante qui fut faite dame d’atours de Marie de Médicis, puis Maréchale d’Ancre, et qui était appelée « La Galigaï », du nom d’une célèbre famille italienne.  

Au total, un roman que je ne recommande pas et que je ne relirai pas.