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09/11/2020

"Les Misérables (tome II)" (Victor Hugo) : critique VI

Dans le chapitre III du livre troisième, Hugo décrit le salon de Mme de T. Nous sommes sous la Restauration, 1830 est proche. Sa description est somptueuse ; on ne connaît plus rien naturellement de ces us et coutumes, et encore moins des personnages mis en scène ; mais le tableau est tellement détaillé, le pinceau tellement précis, que l’on s’y croirait. Chacun des participants est croqué brièvement par l’un de ses travers ou l’une de ses manies.

La langue utilise des expressions qui nous sont hermétiques : « L’ancien évêque de Senlis, habituellement debout, poudré à frais… », une soutane est troussée, un Cardinal joue éperdument au billard, « Le comte Beugnot y était reçu à correction ».

« Chez madame de T., le monde étant supérieur, le goût était exquis et hautain, sous une grande fleur de politesse » (pages 358 et 359).

Hugo lui-même attache à cette petite société des habitudes langagières bizarres au point que « des connaisseurs superficiels eussent pris pour province ce qui n’était que vétusté ».  « On appelait une femme madame la générale. Madame la colonelle n’était pas absolument inusité (…) Ce fut ce petit haut monde qui inventa aux Tuileries le raffinement de dire toujours en parlant au roi dans l’intimité le roi à la troisième personne et jamais votre majesté, la qualification votre majesté ayant été souillée par l’usurpateur ». Songeons à nos « auteure », « écrivaine » et « cheffe » d’aujourd’hui…

« Le faubourg Saint Germain d’à présent sent le fagot » (que pensait donc Marcel Proust de cette affirmation ?). Eh oui, c’est à Proust que fait penser ce morceau de bravoure : la duchesse de Guermantes, Mme Verdurin et leurs salons.

Le chapitre est conçu comme un aparté dans le fil du récit, pour évoquer avec « affection et respect » un moment particulier de l’histoire de France (1815-1820), que notre écrivain attache au souvenir de sa mère : « On en peut sourire mais on ne peut ni le mépriser ni le haïr. C’était la France d’autrefois » (page 363).

Est-ce son point de vue qu’il donne quand il donne la parole aux « doctrinaires » ? « Dédorer la couronne de Louis XIV, gratter l’écusson d’Henri IV, cela est-il bien utile ? Nous raillons M. de Vaublanc qui effaçait les N du pont d’Iéna ! Que faisait-il donc ? Ce que nous faisons. Bouvines nous appartient comme Marengo. Les fleurs de lys sont à nous comme les N. C’est notre patrimoine. À quoi bon l’amoindrir ? Il ne faut pas plus renier la patrie dans le passé que dans le présent. Pourquoi ne pas vouloir toute l’histoire ? Pourquoi ne pas aimer toute la France ? » (page 362).

N’est-ce pas furieusement d’actualité ?

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