19/03/2020
Des prénoms qui filent... à l'anglaise ?
Il y avait déjà les Kevin (prononcés kévine, alors qu’en français c’est kévain), les Jordan (hommage au joueur de basket ?) et les Margaux (alors que le diminutif de Marguerite, c’est Margot ; il faut croire que les vins de Bordeaux ont réussi leur campagne de communication)…
En fait depuis 1993 (sauf erreur), le choix des prénoms est libre en France (génération « J’ai le droit »), pourvu qu’ils ne soient pas dégradants (voir le film « Le prénom » avec Adolf). Et peu importe qu’il se produise un chassé-croisé entre les baptêmes des enfants et des voitures (voir Mégane et Zoé, parmi d’autres exemples).
Une des conséquences est évidemment qu’au lieu de choisir parmi les Saints du calendrier, tout parent peut afficher une origine, une tradition, une culture, voire son non-conformisme ou son admiration pour tel ou tel personnage célèbre, à travers les prénoms de ses enfants, y compris d’ailleurs en multipliant ces prénoms pour un même enfant.
Mais mon propos ici n’est pas de m’insurger comme certains contre des prénoms qui « feraient honte à la République française » ; c’est un autre débat, qui peut être ouvert mais en tablant plus sur la force de conviction des censeurs et sur l’intérêt bien compris des personnes concernées, que sur la coercition ou l’anathème.
Non, je veux dans ce billet pointer l’injure quotidienne qui est faite à l’orthographe de notre langue par des choix de prénoms à la graphie fantaisiste ou provocatrice, voire humoristique.
Le choix étant libre, pourquoi ne pas se lâcher en montrant son non-conformisme ?
Nous rencontrons ainsi des Loraine, des Katryn, des Ana, des Alexya, des Meryem et des Mariam, des Noëlly et des Roselène, des Athina, des Karin (qui devrait se prononcer « carine » comme dans « clarines »), des Haude et des Hannelore (mais cette dame charmante était d’origine allemande), de Lucille (la sœur bien-aimée de Chateaubriand se contentait d’un seul « l » dans son prénom mais en l’occurrence je ne dis rien car cette jeune femme tient son prénom de parents qui adoraient Jimi Hendrix, dont la mère s’appelait Lucille Jeter, 1925-1958), des Armélie, des Jecikya (oui, vous avez bien lu), j’en passe et des meilleurs ! C’est pathétique…
Et la question qui se pose est dès lors la suivante : l’orthographe française étant à la base déjà compliquée, comme peut-on espérer que nos enfants s’y retrouvent avec de telles graphies dénaturées ? Catherine, Anna, Alexia sont-ils si difficiles à porter ? Et si l’on veut absolument rendre hommage à ma région d’origine, pourquoi pas Lorraine ? À moins que la référence à la marque de vêtements soit vraiment indispensable ?
Cette créativité et ce souci de se distinguer sont plutôt pathétiques, sans compter qu’ils font penser à nos animaux de compagnie à quatre pattes (depuis longtemps, on nomme les chiens de race « sous contrainte de lettre initiale »).
Et ce n’est malheureusement pas le seul domaine où l’insouciance, le snobisme, la soumission aux modes et au modèle américain font des ravages ; nous avons évoqué il y a longtemps les marques (R16 Electronic !) et les enseignes de magasin. Dans cette course folle à la création de noms de baptême, il y a maintenant les produits bancaires et les projets de loi. Pourquoi pas… mais pourquoi « à l’anglaise » ?
07:00 Publié dans Actualité et langue française, Société, Vocabulaire, néologismes, langues minoritaires | Lien permanent | Commentaires (0)
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