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23/08/2018

"Le métier de lire" (Bernard Pivot) : critique I

Bernard Pivot, journaliste (courriériste comme il aime le dire), amateur de ballon rond et de Beaujolais, s’est rendu célèbre dans les années 80 (1980…) en animant une émission littéraire à la télévision, dans laquelle il invitait des écrivains, plus ou moins célèbres, à parler de leur livre ou à débattre sur un thème imposé. En quinze ans et quelques centaines d’invités, il en avait fait un rendez-vous incontournable et prisé du vendredi soir sur la deuxième chaîne, qui a fait beaucoup pour le succès commercial de nombreux ouvrages autrement passés inaperçus, les téléspectateurs se précipitant le samedi dans les librairies pour acheter le livre dont ils avaient apprécié la présentation ou l’auteur ou les deux.

En 1990, après mûre réflexion, il décide d’arrêter « Apostrophes » ; c’est alors que Pierre Nora, universitaire et éditeur, lui demande de se livrer à un exercice d’analyse sur l’expérience extraordinaire – unique au monde – qu’il vient de vivre. Bernard Pivot choisit de répondre par écrit plutôt qu’oralement. Il y livre ses petits secrets de « gratteur de tête à la télévision » et de grand dévoreur de livres (dix heures de lecture quotidienne !), ses grands succès, ses petits échecs, ses moments de grâce (François Mitterrand parlant brillamment du « Désert des Tartares » pendant cinquante minutes, Soljenitsine, Marguerite Yourcenar, Fabrice Lucchini et tant d’autres…).

L’année d’après on lui demande de créer une nouvelle émission, multi-culturelle celle-là, ce sera « Bouillon de culture ». Et il répondra également aux questions de Pierre Nora dix ans plus tard, sur cette émission, qui n’aura pas atteint la notoriété et la cote de popularité de la précédente.

Ces deux entretiens écrits sont complétés dans « Le métier de lire » par deux petits « dictionnaires » qui permettent à Bernard Pivot de narrer des anecdotes liées à telle ou telle émission. Au total, on ne peut pas dire que le livre soit passionnant – c’est autant dû au sujet qu’à la forme question-réponse – mais il est intéressant et facile à lire.

Certaines réponses – sur le zapping, sur la lecture, sur le métier de journaliste, sur le succès d’Apostrophes – sont fouillées et argumentées même s’il proclame à plusieurs reprises qu’il n’est ni un intellectuel ni un universitaire ni un critique. « Un critique littéraire, c’est une mémoire livresque considérable, plus une culture tous azimuts, plus l’esprit de découverte, plus un fort pouvoir d’analyse, plus un vrai talent d’écrivain » (page 66). Quelle fausse modestie de la part de notre journaliste !

« Malheureusement, à vouloir être partout, le zappeur n’est plus nulle part. Pour lui, plus de spectacle en continu mais une succession de fragments. Il ne regarde plus, il sonde. Il ne s’installe plus, il saute. À la durée, il préfère le va-et-vient ; à la fidélité, le vagabondage ; à la connaissance, les flashes (…). L’omniprésence du zappeur se paie d’une culture émiettée, parcellaire, au hasard du pouce (…) Or il est impossible que les habitudes contractées devant la télévision ne se retrouvent pas ailleurs (…) Une des raisons pour lesquelles les jeunes lisent de moins en moins, c’est l’inaptitude de l’écrit à se prêter aux pratiques du zapping » (pages 90 et 91).

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