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31/08/2017

Irritations linguistiques LIII : Pâques

Chers lecteurs, cela faisait longtemps que je ne vous avais pas fait part de mes « Irritations linguistiques » (déjà une trentaine ont été publiés), rubrique fondatrice de ce blogue avec celle consacrée aux règles oubliées de notre belle langue…

Voici donc une nouvelle série d’irritations.

À tout seigneur tout honneur : France Inter, abandonné par son animateur vedette Patrick Cohen (la fameuse matinale, le 7-9), nous informait le 28 août 2017 que 501 nouveaux livres seraient publiés à la rentrée (nombre qui donne le tournis et nous fait verser une larme de crocodile sur le sort de ces innombrables auteurs qui ne seront pas lus et dont l’opus terminera au pilon – et ce, sans compter les autres innombrables qui ont essuyé un refus et qui ne seront pas publiés et donc pas lus non plus évidemment). On pouvait penser que le chroniqueur de service n’avait que l’embarras du choix pour en distinguer un et le faire sortir du lot… Eh bien non ! Il n’a rien trouvé de mieux que de consacrer son temps de parole à faire le panégyrique d’un roman américain sur l’esclavage ! Désamour de soi, quand tu nous tiens… 

Parmi les innombrables tics de langage et aberrations du français moderne censé être « branché », il y a « Mais pas que ». Oh que c’est horripilant ! Votre interlocuteur (mais c’est souvent un journaliste) vous cite quelques qualités ou défauts, quelques avantages ou inconvénients… et pour exprimer qu’il y en a d’autres, que la liste est longue, qu’il pourrait multiplier les exemples, il brise là en concluant « Mais pas que » (sous-entendu : mais il n’y a pas que cela). Imaginons les Tontons flingueurs en train de déguster leur tord-boyaux ; Jean Lefèvre « y-trouve un goût de pomme » et Bernard Blier aurait répondu « y-en a mais pas que » ? Bien sûr que non ! Michel Audiard parlait bien mieux que cela ! Il lui a fait dire : « Y-a pas qu’ça mais y-en a ». 

Il y a déjà quelque temps, SG m’a fait suivre un article du blogue des correcteurs du journal « Le Monde » (daté du 13 octobre 2015) consacré aux pléonasmes les plus en vogue dans la presse, qu’ils attribuent à raison à « l’usure des mots mais aussi à la méconnaissance de leur sens ». J’ajouterai le manque criant de bon sens et le snobisme.

Le premier pléonasme m’a amusé car il m’en a rappelé un autre fort en vogue dans le milieu scientifique et technique (et même dans le bâtiment) : le « taux d’alcoolémie » est une expression aberrante puisque l’alcoolémie elle-même est déjà un taux (d’alcool dans le sang), tout comme « évaluer la volumétrie d’une pièce » puisque la volumétrie est la mesure (le mesurage disent les spécialistes) du volume.

« Le Monde » pointe aussi le « tri sélectif », le « principal protagoniste », le « tollé général », le « etc. suivi de trois points » et l’expression « opposer son veto ». Mais, bon prince, il épargne les pléonasmes consacrés par l’usage ou par la littérature : « au fur et à mesure », « le gîte et le couvert », le « pauvre hère » et le « frêle esquif »…

Le record semble détenu par le détestable « au jour d’aujourd’hui » qui serait une façon de dire trois fois la même chose.

30/08/2017

Qui a dit ça ? qui c'est celui-là ? (II)

« Persuadé que le sort de la paix était lié à l’état des relations franco-allemandes, plus sensible, d’ailleurs, à l’importance et à la grandeur du but à atteindre qu’au nombre et à la nature des obstacles à surmonter, il avait l’ambition d’être l’artisan du rapprochement des deux peuples. Il prenait, enfin, grand soin de son renom, de sa communication, et il estimait qu’un événement aussi frappant et aussi nouveau qu’une visite à Paris du dirigeant allemand ne pourrait que rehausser son prestige »

29/08/2017

Inclure par l'orthographe et la grammaire ? (Addendum)

Synchronicité, quand tu nous tiens… !

J’avais à peine fini d’écrire le billet du 28 août 2017, « Inclure par l’orthographe et la grammaire ? » – et je me demandais si ce billet n’était pas une publicité gratuite et indue pour une cause que je ne soutenais pas – que je tombai sur cette page du livre de Jean-Paul Brighelli « Voltaire ou le jihad » (dont j’aurai l’occasion de reparler) : « Maîtriser la langue, c’est en saisir tous les degrés, toutes les nuances – y compris l’ironie d’une caricature. Ceux qui se sont émus des blasphèmes de Charlie ne maîtrisaient rien de la langue – mais ils imposaient leur fascisme, faute de se plier aux règles. Faute de perpétuer la culture, on tend la main à ceux qui vous la coupent.

Pour avoir connu Barthes, je sais que cet homme de très profonde culture n’aurait jamais accepté que la langue, dont il avait une maîtrise exceptionnelle, soit massacrée par des imbéciles qui croient intelligent d’écrire « professeure » et de dire « madame la maire ». Je ne sais pas si ces formes, aujourd’hui imposées par ceux-là mêmes qui ont tout fait pour que la langue ne soit plus vraiment enseignée à l’école, survivront à la mode passagère d’un égalitarisme qui est tout ce qu’on voudra, sauf de l’égalité. Seul l’usage, qui est le maître de la langue, en décidera.

Voilà cinq siècles que s’est imposée la règle d’accord du participe conjugué avec « avoir », selon que le COD est ou non antéposé. En soi, elle est tout à fait arbitraire et non fondée. Mais elle est là, et toutes les tentatives pour la révoquer ont échoué. Alors les velléités dictatoriales des chantres de la parité et autres balivernes de saison ne s’imposeront que si la langue le permet, et pas autrement. Son totalitarisme est beaucoup plus ancien que celui des majorités qui vont et viennent. Fasciste, oui – encore heureux » (page 54 de l’édition l’Archipel de 2015).

Ces lignes sont extraites du chapitre 7 « Parler français », qui commence par la fameuse affirmation de Roland Barthes : « La langue est fasciste ».