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30/03/2017

Irritations linguistiques XLVI : délire lexical I (c'est le 700ème billet)

L’évolution des langues s’accompagne peut-être de l’affaiblissement inexorable de la force de leur vocabulaire et corrélativement du recours grandissant au pléonasme, à l’emphase et à l’emprunt à des champs lexicaux plus violents.

Déjà un éditorialiste fameux avait publié « Le suicide français »…

Et la campagne en vue de l’élection du Président de la République française est un exemple caricatural du délire langagier : on y évoque un « coup d’État », « un assassinat politique », « une guerre civile » ; on y accuse ses adversaires – parfois ses partenaires naturels – de vouloir nous « tuer »…

C’est Pierre Ivaldi dans le Marianne du 17 mars 2017 qui faisait cette remarque à propos du candidat Fillon, qui créerait « une atmosphère lourde et délétère », l’appelant à se ressaisir, mais il faut bien dire que certains autres candidats ne sont pas en reste ; les mots ayant perdu de leur force évocatrice et percutante, on va en chercher d’autres, dans le vocabulaire guerrier en l’occurrence.

Et Jean-François Kahn, dans le Marianne du 29 janvier 2011 (six ans déjà !) écrivait « Les propositions sarkozystes sont avant tout verbales mais elles existent. Tout le monde peut les comprendre. Le silence, lui, n’a jamais été plus audible que le bruit ».

 

Dans un autre ordre d’idées, il y a une autre façon de se faire entendre, c’est de paraître « branché » (« connecté » dirait-on aujourd’hui) en parsemant son discours de termes anglais. Et s’il y a bien une rubrique des magazines qui est droguée au franglais, c’est celle de la mode, la rubrique « Société » ; dans l’hebdomadaire Marianne, elle s’appelle « Quelle époque ! ».

Dans le numéro du 14 mars 2014 (trois ans déjà !), j’avais noté un article sur les « placards » des tee-shirts, qui résonnait avec mon premier billet dans ce blogue (s’y reporter, à l’été 2014). Entre les inscriptions « littéraires » comme « Jean-Paul et Simone » ou « Alfred et George » (non George, ce n’est pas du franglais, et rien à voir avec les Beatles), voire « I love philo », et les slogans d’autodérision comme « Vieille chose », « Pipelette », « Gueule de bois », voire « Geek et fier de l’être » (le journaliste parle de messages « gaguesques » dans son article…), il y a malheureusement d’authentiques et béates proclamations franglaises comme « #SINGLE », « Keep calm and call me maybe », « Kiss boys and let them cry », voire les honteux et stupides « I just want to fuck you », « New York City Bitch », « Bad girls have more fun », « School sucks » et « Hate me ».

Le journaliste commente ainsi cette manie des slogans ventraux en anglais : « (…) est-elle fière de cette revendication ? (celle qui porte ce vêtement). On en doute. Elle est plutôt la énième victime de la croyance : si c’est en anglais, on comprend pas. Comment expliquer sinon, le nombre de devises dévalorisantes que les enseignes de fast fashion continuent à proposer ? », et plus bas: « On notera que l’équivalent franchouillard passerait moins bien ».

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