02/07/2015
Bibliothèque mazarine
Dans son livre "Ma bibliothèque", voici comment Cécile Ladjali décrit la bibliothèque de la Sorbonne, là où elle a préparé son agrégation, là où elle a lu toute "La Recherche" et là où, après des travaux d'agrandissement, elle a été invitée à lire un texte lors de sa réouverture.
"Car malgré ces bouleversements manifestes, je reconnaissais les sortilèges qui ont fait les très riches heures de la bibliothèque. Son odeur, sa lumière, douce invite à l'étude, et surtout son silence éloquent. Ils parlaient tous dans le cadre des grandes fresques : François Ier et l'imprimeur Estienne, Richelieu consultant les plans avec son architecte. Les étudiants, plume piquée à l'esbroufe, qui donnait aux silhouettes rouges ou noires des allures faustiennes. Ils toisaient, ces jeunes gens, les bustes marmoréens des conservateurs qui veillaient sous le grand plafond où volent les allégories réunies de la Poésie et de la Science. En son syncrétisme aride, l'esprit du lieu était là.
Il y eut les mots inscrits dans le marbre, ceux tracés à l'encre verte par les moines copistes, puis ceux confiés au vélin des in-quarto. À présent, ils courent, les mots, sur les écrans de cristaux liquides.
Mais les fables sont toujours les mêmes, comme les lecteurs, amoureux, immuables, installés dans leur dévotion. Celle vouée aux signes, pourvoyeurs de l'intelligence et de la beauté".
"… Car une bibliothèque est un lieu de mémoire mais aussi un sanctuaire où s'énonce et se vit le principe de transmission auquel j'accorde tant d'importance. Les livres nous lisent plus que nous ne les lisons, comme nous nous abandonnons à la douce tyrannie d'un professeur ou à la terrifiante emprise qu'un lieu exerce sur notre cœur".
"… J'ai lu, écrit, appris, beaucoup douté, dans cette bibliothèque. Et j'ai eu le sentiment, le soir de l'inauguration, en revenant sous les grands ciels peints pour en taquiner un peu les allégories, de regarder Méduse en face pour la première fois, avec la douce confiance néanmoins de ne pas être changée en pierre".
Très belle page 77, non ?
PS : Esbroufe : comportement fanfaron
07:30 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
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