29/05/2015
Cécile, ma sœur (VIII)
Il y a une vidéo dans Youtube dans laquelle Cécile Ladjali parle de son nouveau livre, paru en septembre 2014, "Ma bibliothèque, lire, écrire, transmettre". C'est bien dit, sobrement, sans hésitation, c'est fluide et sans verbiage ni boniment. Tout au plus peut-on déceler un léger balancement du corps qui trahit un peu de trac… mais cela ne gâche pas le point de vue ; la dame est bien jolie. On se prendre à rêver d'être lycéen en Seine-Saint Denis. Comment peuvent-ils ne pas être sous le charme ?
On l'était, en cinquième dans ma classe à l'époque, la prof. de français était jeune, jolie et maternante. Je me rappelle d'avoir lu au tableau un extrait de Raboliot...
En sixième, c'était plus strict avec la prof. de français-latin, qui me trouvait "peu malléable"… Ça s'est confirmé.
En seconde, c'était la terreur ! Le prof., qui partageait son patronyme avec le fameux docteur de la Recherche, piquait des rages folles, exigeait un cahier de 96 pages à grands carreaux et nous dictait son cours mot à mot, que l'on était "prié" de prendre en note dans ledit cahier et d'apprendre par cœur pour la fois suivante… De là date mon amour pour les poètes de la Renaissance. À quoi tiennent les choses !
J'ai déjà parlé du prof. de première (ou de terminale, je ne sais plus), avec le français en option, à qui je dois la découverte de Proust et d'innombrables après-midis de lecture, dont on pense sur le coup qu'ils ont été perdus mais se révèlent des années après, nos meilleurs souvenirs.
Un jour, Cécile Ladjali est invitée par Télérama à échanger avec Abdellatif Kechiche, réalisateur de film. Elle lui dit : "… Je ne pouvais pas faire croire à mes élèves que, s'ils s'enfermaient dans cette langue-là (NDLR = celle des cités et des cours d'école), ils seraient un jour libres et heureux. Bien au contraire, ils deviendraient les exclus d'une société qui ne leur ferait aucune place, s'ils se présentaient à elle, aussi démunis linguistiquement.
Le monde humain n'est pas un monde de sensations ou de pulsions, mais un univers de choses nommées et d'idées (page 37)".
Elle cite Heidegger et Humboldt, qui ont tous deux écrit sur la langue, la culture, l'éducation, la lecture, comme d'ailleurs Alain, Hannah Arendt,Alberto Manguel, Jacqueline de Romilly bien sûr, George Steiner, Rivarol, Julien Gracq, Pascal Quignard, tous auteurs auxquels elle fait référence. "Chaque langue est une vision du monde, à savoir celle du peuple qui la parle. La langue est le monde intermédiaire entre le monde et les objets. La langue est cette expression de cet entre-deux du sujet et de l'objet… La langue n'est pas un simple instrument d'échange et de communication. Or c'est précisément cette conception courante de la langue qui se voit non seulement ravivée du fait de la domination de la technique moderne, mais renforcée et poussée exclusivement jusqu'à l'extrême. Elle se réduit à la proposition : la langue est information (page 51)".
07:30 Publié dans Actualité et langue française, Littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
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