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24/05/2015

Cécile, ma sœur (III)

"Or ce que je veux leur signifier (NDLR : aux élèves) à chaque heure de cours est que tout ce qui est beau est très difficile. Et, si je ne suis pas de celles (NDLR : comme le masculin joue le rôle de neutre, qui n'existe pas en français, Mme Ladjali aurait dû écrire : "si je ne suis pas de ceux"...) qui nieraient que la beauté doit toucher spontanément les sens, j'ajouterai à cette conviction que cette spontanéité-là, vécue en écoutant un opéra, en lisant un poème, en contemplant un tableau, cache derrière elle des années de pratique et de réflexion. On accède au vrai vertige - celui de l'intelligence - par le travail.

Or, on est en mesure d'éprouver ce plaisir parce qu'on possède un héritage, des valeurs, des repères. Il faut les codes linguistiques, la syntaxe nécessaire, pour entrer dans le chef d'œuvre. Chef d'œuvre qui, avant de se livrer, convoque en l'homme (NDLR : tiens, ici le masculin en tant que neutre, revient...) ce qu'il y a de plus remarquable en lui et qui, en cela, reste une réalité indépassable".

Sur le fond, tout cela me paraît évident : pour apprécier Mozart, Herbie Hancock, Picasso, Baudelaire et Valéry, il faut avoir franchi un certain nombre d'étapes successives et avoir, d'une façon ou d'une autre, travaillé. Toute cette beauté, et le plaisir qui va avec, ne sont pas accessibles au premier abord. On le voit bien dans l'apprentissage de la musique, qui n'est pas obligatoire : d'une part il y a un effort à fournir, il faut travailler, s'exercer, répéter sans relâche et d'ailleurs sans fin ; d'autre part il faut étudier les maîtres, les imiter et absorber progressivement ce qui a été créé avant, pour espérer trouver après son propre langage musical et sa propre voie (et voix). On ne crée jamais à partir de rien, on reformule, on modifie, on reprend... Les Beatles ont commencé en jouant "sur les disques" de leurs idoles du moment et Eric Clapton a d'abord joué d'innombrables morceaux de blues avant de trouver son style. On ne demande pas aux élèves des Conservatoires et écoles de musique de "découvrir" tout seuls la musique, que ce soit le solfège ou l'harmonie ; on leur demande d'apprendre et d'étudier ! C'est tellement exigeant que beaucoup abandonnent en cours de route mais la récompense est au bout du chemin, dès le premier morceau exécuté correctement.

Revenons à la démonstration de Cécile : effectivement, avoir pour principal objectif que les jeunes ne s'ennuient pas (voir les déclarations de Mme Belkacem) et supprimer les notes qui risquent de les traumatiser, c'est comme on dit familièrement "du grand n'importe quoi".

Mais il me semble qu'elle s'arrête au milieu de l'analyse. Le problème est peut-être que la poésie occidentale, l'opéra occidental, la peinture occidentale (j'écris "occidental" pour faire bref) ne sont pas des buts à atteindre pour tous les jeunes d'aujourd'hui ; pour certains, ce n'est pas la culture qui les fait rêver ni dont ils se réclament... Il y a donc un autre problème qui se greffe sur celui que traite Mme Ladjali (l'apprentissage, l'effort à fournir, l'étude des classiques et la maîtrise de la langue française à exiger).

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