Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

13/09/2014

Mon florilège à moi

Depuis René Étiemble et son "Parlez-vous franglais" de 1963, on sait que l'invasion du français par l'anglais a pris des proportions inouïes ; c'est pour cela qu'il a inventé le terme "franglais". Et c'est pour cela que, périodiquement, des articles et des livres (j'en ai cité quelques-uns) crient "halte au feu".

J'ai aussi parlé de l'Académie de la carpette anglaise, qui ne rate pas une occasion de flinguer  les snobs et les inconscients qui usent et abusent du franglais.

En attendant que ces cénacles huppés m'invitent à les rejoindre, je crée aujourd'hui mon florilège des termes les plus aberrants et les plus risibles (selon moi). Je ne montrerai pas du doigt des personnes mais des pratiques et des manies.

Que mes lecteurs (21 par jour en ce moment !) n'hésitent pas à me signaler leurs "bêtes noires" du vocabulaire et du langage. Je les ajouterai à mon bestiaire.

La palme revient peut-être à l’horripilant "aux jours d'aujourd'hui", pléonasme pédant qui alourdit la phrase inutilement. Rien à voir, évidemment, avec ce qu'écrit Giono dans "Deux cavaliers de l'orage" (NRF Gallimard, 1965, page 73) : "Le jour d'aujourd'hui n'a pas été annoncé". Car il aurait pu écrire, tout aussi bien : l'aurore d'aujourd'hui n'a pas été annoncée.

« Faire le buzz », qui énerve une majorité de Français, se passe de commentaire.

Je déteste particulièrement le mot passepartout "juste", calque du "just" anglosaxon. « C’est juste un essai », au lieu de « C’est seulement un essai » ou « Ce n’est qu’un essai ». "J'ai juste pas faim" (pour "je n'ai pas faim du tout" ou bien "c'est simplement que je n'ai pas faim").

Je m’irrite de la construction « pour ne pas qu’il proteste », « pour pas qu’j’y aille », calqué sur « pour ne pas y aller », alors que l’on devrait dire « pour qu’il ne proteste pas », « pour que je n’y aille pas » ou « pour m’empêcher d’y aller ».

Et que dire de « quand viens-tu sur Paris ? », au lieu de « quand viens-tu à Paris ? »… ? C’est à croire que tout le monde voyage en hélicoptère et reste en vol stationnaire au-dessus de sa destination !

Le « de » à la place du « des » devant une consonne, pour l’euphonie, est de plus en plus ignoré ; on devrait dire « de simples sympathisants » et non pas « des simples sympathisants ».

Les économistes et les financiers n’ont que le mot « anticiper » à la bouche… ne croyez pas que c’est parce qu’ils « font par avance » (au tennis, il faut anticiper) ou qu’ils « considèrent un événement futur comme s’il s’était produit » (les deux acceptions du mot qu’indique le dictionnaire Hachette de 1991). Non, si c’était le cas, ça se saurait ! On ne les a pas vus à l’œuvre lors de la crise de 2007, la plupart n’avaient rien vu venir du tout. Non, ces experts ès gros sous et ès fusions-acquisitions utilisent le verbe « anticiper » comme le verbe « attendre ». Regardez ci-dessous :

 

Le PDG anticipe Le Revenu - copie.jpg

 Alors pourquoi ne pas écrire tout simplement : « Le PDG s’attend à une forte croissance… ».

Je n’aime pas le substantif « le futur », bien qu’il soit symétrique de « le passé » et que le même dictionnaire l’accepte sans barguigner. Je préfère l’avenir.

Un tic de langage de Bernard Thibault ou peut-être de la CGT ou même plus ancien, du PC de Georges Marchais, je ne sais pas trop, est agaçant. Jean-Marie Le Guen l’a repris à son compte, peut-être pour faire peuple… Il consiste à dire : « Il faut discuter, y compris avec les partenaires sociaux… ». « Y compris » s’applique à quoi ? à rien du tout. En fait, il faut entendre : « Il faut discuter avec tout le monde, y compris avec les partenaires sociaux ». Mais ces gens-là sont si pressés !

Initialement, ils ont créé, sur le modèle anglosaxon « qui fait bien », le Vendée Globe Challenge, qui peut se traduire par : la course, la compétition autour du globe au départ ou sous le patronage de la Vendée, le départ et l’arrivée étant aux Sables d’Olonne. Il faut savoir que le français a tendance à ne garder que les premiers mots d’une expression nominale quand il s’agit d’abréger. Quand cette expression est construite sur le modèle anglosaxon (avec le déterminant en tête et le déterminé à la fin), cela donne des résultats cocasses : ici, on parlera du « Vendée Globe », qui n’a rien d’un globe mais reste avant tout une course ! Bizarrement, la course Paris-Dakar est appelée Dakar tout court et se déroule en Amérique du Sud.

J'aime bien rappeler que si on amène un enfant à l'école, on apporte un gâteau à table. Et non pas l'inverse. Et que "avant que" et "après que" ne sont pas symétriques : "avant", on ne sait pas, donc on met le subjonctif ; "après", on sait, donc on met l'indicatif. On dira donc : "avant qu'elle ne me quitte" et "après qu'elle m'avait quitté"...

Connaissez-vous ces deux merveilles ?

- le "wedding planner", qui se veut le nouveau métier de ceux qui organisent le mariage des autres ;

- le "summer jobbing", qui consiste à trouver un petit boulot pour l'été.

À vrai dire, il y en a des troupeaux de ces franglicismes paresseux et snobs… : telle personne shazamme à qui mieux mieux sur son téléphone, tel revenant politique se réjouit de ce que 35000 internautes aient liké son interview et tous conviennent que les temps sont durs et qu’il ne faut pas se louper… Quelle époque !

Mais, depuis le temps, je ne digère toujours pas "SMS", alors que "texto" est si joli, non plus que « mail » (prononcé avec une diphtongue : mayle…), alors que les Québécois nous ont donné « courriel » (pour les message) et la Commission de terminologie « mél. » (pour le canal, à savoir la messagerie internet).

Terminons, provisoirement, par le fameux « gagnant-gagnant », tarte à la crème des politiques et des manageurs de tout poil. C’est bien sûr un calque de l’américain « win-win » (ce n’est pas la seule utilisation du mot : il y a aussi l’inénarrable « quick win », pour « victoire rapide », très en vogue chez les chefs de projet à la page). Souvenons-nous quand même que le français dispose de l’expression « donnant-donnant », qui peut servir de transposition. On peut gloser sur la différence d’approche entre Américains et Français sur le sujet : tandis que les premiers mettent en avant le fait que les deux parties vont gagner (quelque chose), les derniers, plus réalistes pour une fois, pensent que chacune va surtout avoir à donner quelque chose (pour aboutir à l’accord ou au compromis).

Et vous, quelles sont vos expressions favorites et vos bêtes noires ?

À vos plumes !

Les commentaires sont fermés.