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21/01/2019

Nouvelles du front (linguistique) VIII

Dans sa rubrique Mag / décodage, madame FIGARO, encore elle, peut-être en février 2017, nous informe d’un fait capital : la capuche est à la mode ! Et de présenter nombre de petites vignettes où de charmantes jeunes femmes montrent qu’elles savent la porter (la capuche).

Mais alors quel déluge de franglais prétentieux, snob, ridicule et incompréhensible !

Pour commencer, l’accroche : « Au baromètre du cool, le hoodie remonte en tête. La mode plébiscite ce champion du streetwear revisité version luxe ». Notons la syntaxe : « revisité version luxe »…

La question « doit-on dire oui à cette mode ? » permet à l’auteur, Justine Foscari, de nous apprendre que hoodie est un sweat-shirt à capuche (notons que depuis des décennies, les Français prononcent « swit » ou « sweet » mais jamais « sweat »). Expliquer en français un mot anglais par un autre mot anglais, semble bien le comble du snobisme (ou de l’abrutissement).

La réponse, on l’a immédiatement : « car, devenu l’accessoire ultime de mode, il est partout ». Et de décliner : « en version robe XXL (unité de mesure anglo-saxonne s’il en est) ou en top cropped, il rhabille de cool canaille les it girls ». Vous suivez ?

C’est un classique du streetwear (déjà dit) (…) pour échapper aux flashs des paparazzis. Sa réputation va d’un classicisme preppy à je ne sais quoi. Il a accédé au trône fashion. Les designers venus de la rue (en gilets jaunes ?). Inspirés de la culture rave, rap ou métal… L’art de twitter en permanence les codes… Bien plus qu’un gimmick… Je n’en peux plus, j’étouffe, c’est donc le genre d’articles que dévorent les lectrices de madame FIGARO ? 

On apprend que ce vêtement a été créé dans les années 1930 (qui obsèdent M. Macron) aux États-Unis (ouf, on respire, c’est bien américain), pour tenir chaud aux sportifs après l’entraînement (comme on s’en doute ; pendant longtemps, on a appelé ça un survêtement). Dans son rappel historique, madame FIGARO se fait peur en notant qu’il a pris une connotation politique sur les épaules des Anonymous ou des Black Blocs. Mais les créateurs en ont fait un objet d’art, un objet désirable (sic !). « Chanel et Lanvin ont commencé à proposer leurs propres sneakers ». « L’ancienne pièce plutôt masculine s’est féminisée, chicisée, glamourisée ». Fascination pour les marques no gender, plus trendy

Tout l’article est à l’avenant, insupportable.

Tout ça pour espérer vendre encore ? Pour quelques dollars de plus ?

17/01/2019

"Les cendres brûlantes" (Michelle Maurois) : critique VIII

Les parents de Simone – future Madame André Maurois – s’évertuent à lui trouver un mari et elle-même s’inquiète de ne pas encore être mariée. Plusieurs projets capotent. L’un des prétendants s’appelle Bertrand de Salignac de la Mothe-Fénelon, Comte de Fénelon, qui, mobilisé en 1914, lui écrit depuis la 15èmecompagnie d’infanterie basée à Caen ; leur point commun est donc le Périgord puisque la maison de famille des Pouquet est à Essendiéras. Il a vingt ans de plus qu’elle. Et la question à résoudre avant toute chose est celle de l’argent.

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Ce qui suit a été écrit par Simone elle-même, des années après, en 1941, à un auteur américain (Annexe 82 du livre).

« La condition posée par les Fénelon était, comme il arrive si souvent en pareil cas, le rachat du château ancestral. Fénelon, manoir féerique, à pic sur la Dordogne, était précisément à vendre. Le Périgord chuchotait que le propriétaire en demanderait 200000 francs-or, peut-être 180000 ». Ah oui, Fénelon, je connais bien, je l’ai admiré à vélo et je l'ai visité, il est l’une des causes de ma passion pour le Périgord depuis mon premier séjour à Vitrac, à l’âge de douze ans. 

Jeanne, la mère de Simone, est lucide et cynique : « Ne fais pas l’idiote… Ceci n’est pas un mariage d’amour ; c’est une alliance flatteuse. J’assure ton établissement mais je refuse de prendre à ma charge risques et périls… En d’autres termes, je suis résignée, pour m’assurer un gendre bien né, à l’acquisition d’un château-fort… Mais point de gendre, point de château ». Elle craint que Bertrand ne soit tué à la guerre, après avoir épousé Simone et lui avoir fait un, voire deux enfants, laissant une pension modeste et une veuve dans le besoin. 

Bertrand de Fénelon fut tué à côté de Verdun : « J’étais veuve sans avoir été mariée. Je pleurai quelques jours la perte d’un ami mais, différente en cela de sa mère douloureuse, je n’avais jamais cru à son retour. Pour moi, sa mort était un fait certain, depuis 1916. J’allai faire des adieux symboliques au château de Fénelon… La citadelle portait son nom, sans avoir abrité sa jeunesse ; moi, je portais sa bague, sans l’avoir épousé. Tout était irréel et factice. Allais-je rêver ma longue vie dans l’univers des apparences ? (…) Dans tout l’épisode Fénelon, il n’avait pas été question d’amour » (page 540).

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Et Michelle Maurois de conclure : « Simone n’avait pas revu Bertrand de Fénelon depuis plus d’un an quand il fut tué à Mametz, le 17 décembre 1914, ce qui plongea Proust dans le désespoir. Simone place donc le récit de ces fiançailles imaginaires bien après la date de la mort de Fénelon.

Je ne raconte pas cette histoire pour confondre Simone ni pour montrer jusqu’à quel point elle pouvait fabuler mais parce que la démarche psychologique me paraît intéressante et qu’à maintes reprises, elle fera ainsi, fi de la vérité à un point extraordinaire, sans jamais qu’elle en soit, pour autant, troublée » (page 541).

14/01/2019

Nouvelles du front (linguistique) VII

Dans madame FIGARO de je ne sais quelle date, Valérie de Saint-Pierre (quel beau patronyme… on pense à Michel et aux « Nouveaux Aristocrates », Calman-Lévy, 1960) a écrit un article intitulé « L’art moderne de la conversation ».

Ne rêvons pas, « dès l’aérogare, j’ai senti le choc (…) c’est de l’amerloque » : SMS,TWEETS et E-MAILS fleurissent dès l’accroche ! Ça commence mal. D’autant que l’illustration choisie représente deux jeunes femmes minces et court-vêtues en train de papoter sous les casques à mise en plis, façon années 50. C’est ça le renouveau de l’art de la conversation ?

Mais il paraît que « converser n’a jamais été aussi tendance », alors même que « les nouvelles technologies ont tué la communication in real life ». Et « les emojis remplacent peu à peu le langage articulé ». Il faudrait savoir…

La journaliste signale néanmoins un nouveau mobilier urbain (canapés, tables de rue collectives et tabourets mobiles), bien sûr à New-York et à Londres, qui incitent à tailler une bavette. Ainsi qu’un festival. Guillaume Villemot, fondateur de ces événements, publie « Osez les conversations ». fanny Auger, dont on nous dit qu’elle est pétillante – où donc est la vidéo ? – propose un cours « Comment avoir de meilleures conversations » depuis 2014 mais son organisme s’appelle School of Life Paris ! Elle publie également un livre « Trêve de bavardages – Retrouvons le goût de la conversation ».

Tout cela est épatant car délicieusement rétro ; « Le nouveau savoir-causer » de Paul Reboux, FLAMMARION, date de 1949 et « La République des lettres » de l’excellent Marc Fumaroli, Gallimard, de 2015 (J’ai déjà parlé de ces livres dans mon blogue). On pense aussi au film « Ridicule » et à ces salons du XVIIIèmesiècle mondial, donc français, dans lesquels on « tuait » quelqu’un avec un bon mot.

L’article de Mme de Saint-Pierre comporte un encart intitulé « Mieux se parler » qui accumule les tics et les franglicismes de notre époque : « sortir de sa zone de confort », « regarder l’une des conférences TEDX », « recourir aux boosters de conversation ».